Niger/Monsieur Mohamed Anako, Ministre, Haut Commissaire à la restauration de la paix au Niger
Les sociétés minières ont une grande responsabilité dans ce que nous sommes en train de vivre
Energie Pour Tous : Bonjour Monsieur Mohamed Anako, vous êtes Ministre, Haut Commissaire à la restauration de la paix au Niger, pouvezvous nous présenter votre institution?
M. Mohamed Anako : Je vous remercie de cette opportunité. Le Haut Commissariat à la Restauration de la Paix est une structure qui est rattachée à la Présidence de la République dont la mission principale est la restauration de la paix au Niger. Cette structure a été mise en place au lendemain de la signature des accords de paix le 24 avril 1995. Sa mission principale est la restauration de la paix et surtout la mise en oeuvre des différentes clauses des accords de paix qui ont été signés entre le gouvernement et les rebellions armées, et leur suivi.
Energie Pour Tous : Quelles sont les raisons pour lesquelles l’accord de paix de 1995 n’a pas été respecté à la lettre, d’où la naissance d’un front armé ?
M. Mohamed Anako : S’agissant de l’accord de paix du 24 avril 1995, je ne dirais pas qu’il n’a pas été respecté, mais je peux cependant relever un certain nombre de points qui n’ont pas vu leur application effective notamment le point relatif à la décentralisation. A ce niveau, il faut dire que les lois ont été adoptées et nous sommes aujourd’hui à la phase de communalisation. Comme vous le savez, les accords de paix du 24 avril 1995 ont prévu une décentralisation vraiment effective, c’est à dire poussée comme l’indique les termes de ces accords de paix. Cela n’a pas été effectif et le deuxième point est relatif au développement des zones qui ont été touchées par le conflit. A ce niveau, il faut rappeler s’il y a eu rébellion dans les années 90, l’une des causes principales c’est le sous développement et la pauvreté. Donc il était nécessaire de mettre un accent très particulier sur le développement des zones qui ont été touchées par le conflit pour mettre en place une politique de développement durable et efficiente. En réalité, ça n’a pas été fait. Mais, il faut reconnaître que ça a coïncidé avec la situation de conjoncture économique. Si je peux me le permettre à l’époque, le Niger était véritablement soumis au dicta de la banque mondiale et du FMI. Donc, ceci, a beaucoup pénalisé la mise en oeuvre de la principale clause, relative au développement. Il faut reconnaître aussi que les partenaires et les amis du Niger n’ont pas accompagné dans le vrai sens. Il y a aussi un problème de répartitions des richesses. Les accords de paix ont prévu que les sociétés minières qui sont implantées au nord apportent leurs contributions pour le retour définitif de la sécurité, parce que la sécurité dans cette zone, n’est pas seulement militaire, elle est aussi économique. A cet effet, les sociétés minières n’ont pas accompagné le Niger pour le retour de la stabilité. Je vous cite un petit exemple concret : les accords de paix avaient prévu l’intégration de 300 excombattants au sein des sociétés minières, cela n’a jamais été fait. Vous voyez bien que quelque part les sociétés minières ont une grande responsabilité dans ce que nous sommes en train de vivre aujourd’hui.
Energie Pour Tous : Concrètement selon vous, qui est responsable de cet échec ?
M. Mohamed Anako : Je préfère parler de malentendus, parce qu’une paix se construit à deux, donc il y a les ex-fronts de l’ex-rébellion qui sont partenaires de cet accord de 1995 et la partie gouvernementale. Ce sont ces deux parties qui doivent s’asseoir de temps en temps pour faire le point. J’ai compris depuis un certain temps les gens considéraient que la paix a été définitive alors que la paix c’est un processus, c’est un travail de tous les jours. Une paix ne peu pas être définitive tout de suite, elle peut aller sur 20 ans, 50 ans ; et moi je pense qu’il y a eu une erreur à ce niveau. Lorsque nous avions parvenu à la signature des accords de paix, les gens ont été intégrés dans différents corps, certains sont réinsérés. Pour bon nombre de personnes, il y a le retour de la paix, c’est bon tout est appliqué. Malheureusement, cela a manqué de suivi et de concertation permanente entre les parties belligérantes.
Energie Pour Tous : Quels sont selon vous les enjeux miniers dans la partie Nord du Niger, théâtre du conflit actuel ?
M. Mohamed Anako : Les enjeux miniers sont importants dans le nord. Cette partie regorge d’énormes potentialités minières qui vont du pétrole, de l’uranium, du charbon, du cuivre à l’or. On parle même du diamant. Donc, ça veut dire qu’il y aura aussi des enjeux géostratégiques. Certains ne vont pas nous laisser tranquille, parce que nous constituons un centre d’intérêts stratégiques pour les sociétés multinationales qui opèrent dans cette zone. Puisqu’elles vont d’abord se faire la guerre entre elles, mais il y a aussi l’Etat du Niger qui ouvrira une compétition entre les multinationales, ensuite entre elles et l’Etat du Niger et le troisième élément, c’est bien sûr la population qui vit dans cette zone. Je pense donc qu’il aurait fallu avant de se lancer dans la prospection et dans la recherche proprement parler comme on est entrain de le vivre aujourd’hui, observer un temps de réflexion, ça veut dire qu’il fallait que les Nigériens se concertent tous ensemble pour voir qu’est-ce qu’ils vont faire de leurs richesses, c’est-à-dire, il ne faut pas que nous partions sur les anciennes bases, qui ont été mal faites, à savoir les différents contrats qui ont été signés entre l’Etat du Niger et les multinationales. Je pense que ce sont les contrats qui sont mal faits, car dictés par les multinationales, donc on doit arrêter tout cela. Aujourd’hui les Nigériens doivent donner leurs points de vue par rapport à comment ils vont répartir leurs richesses entre eux et en ce moment ça serait plus facile d’imposer ce qu’on veut faire avec les multinationales. Je suis convaincu qu’on a un peu raté le coche, il faut donc revenir sur ces points.
Energie Pour Tous : Qui sont les acteurs de l’actuel conflit du Nord ?
M. Mohamed Anako : Les acteurs de ce nouveau conflit sont d’abord les anciens rebelles de l’ex-rébellion des années 90. Pour le moment, c’est tout ce que je peux vous dire, mais il y a des gens qui ont déserté un moment au niveau de nos forces de défense et de sécurité, qui les ont rejoints. Il y a un moment, on nous parlait de trafiquants de cocaïne parce que là, il faut dire que même durant les premières rébellions l’espace saharien entre le Niger, le Mali, la Libye, la Mauritanie et l’Algérie, a toujours constitué une zone de trafic. C’est pourquoi, il y a eu toujours des trafiquants dans cette zone et il y en aura toujours, parce que la zone est très vaste. Je suis aussi persuadé qu’aujourd’hui avec la résurgence de l’insécurité au Mali, cela peut nous attirer tous les bandits de grands chemins, cela veut dire qu’il y a des gens qui ne profitent que de la situation liée à l’espace en dehors même des rébellions. Naturellement, le phénomène de banditisme de grands chemins refait surface dans cette partie nord du pays.
Energie Pour Tous : Qu’est-ce qu’ils revendiquent ces rebelles ?
M. Mohamed Anako : Au niveau du Haut Commissariat de la Restauration de la Paix à un moment, on les a approché, pour savoir qu’est-ce qu’ils veulent, parce que nous avons reçu des instructions du Président de la République pour qu’on sache qu’est-ce qu’ils revendiquent et qui sont-ils. A cette occasion, ils nous ont envoyé leurs revendications autour de six (6) points, les gens qui naviguent sur internet vont voir ces six points là. Ces revendications tournent autour des accords de paix. Toutes les revendications que moi j’ai vues, tournent autour des anciens accords de paix, peut être qu’il s’agit d’insuffisances relatives à la mise en oeuvre des accords de paix. Toutefois, le seul point qui me paraît un peu étrange si je peux le considérer comme un nouveau point est relatif à l’assassinat du Président Barré Maïnassara. Voilà ce que je peux vous dire pour l’instant sur cette question. Ce qui est sûr, on a jamais discuté avec eux, généralement les gens qui se rebellent posent toujours la barre plus haute, parce que là je suis bien placé pour le dire étant moi-même un ancien rebelle. Je dois vous rappeler que j’étais dans l’ancienne rébellion donc ils peuvent revendiquer tout ce qu’ils veulent mais cela ne va pas dire que c’est ça qui en découlera lors des négociations.
Energie Pour Tous : Selon vous quelles sont les propositions de solution?
M. Mohamed Anako : Il faut d’abord s’asseoir autour d’une table de négociation quelques soit les groupes des gens qui ont pris les armes ou quelque soit la situation, en ce sens il faut toujours privilégier le dialogue, sans dialogue on risque de s’embourber dans un engrenage qui fera en sorte que demain on ne pourra pas s’en sortir surtout dans le contexte actuel des géopolitiques, parce que souvent les gens ont tendance à oublier que nous constituons une convoitise pour l’extérieur. C’est pour toutes ces raisons qu’il ne faut pas donner l’occasion à toutes ces puissances qui nous observent, et que nous arrêtions de nous divertir. Pour ma part, il faut aller très vite au dialogue, car les Nigériens doivent se parler.
Energie Pour Tous : Plusieurs pays amis et la société civile nigérienne ont proposé leurs bons offices pour un règlement concerté. Pourquoi le gouvernement se refuse d’accéder à la voie du dialogue ?
M. Mohamed Anako : En ma qualité de Haut Commissaire, je sais que le gouvernement n’a pas totalement fermé la porte, en ce sens que le problème avait été posé à un moment d’instabilité politique au Niger. Pour rappel, le Président de la République avait dit «qu’ils n’ont qu’à déposer les armes et venir, on va parler avec eux». Donc pour moi, il y a une ouverture, cela veut dire que le Président de la République n’a pas totalement fermé la porte, car il a clairement déclaré, il faut qu’ils déposent les armes et qu’ils viennent on va discuter. Je suis convaincu qu’il y a possibilité de dialoguer avec eux parce que même le fait qu’ils déposent les armes ça veut dire qu’on va parler avec eux. A ce sujet j’incombe la responsabilité au gouvernement parce que le gouvernement en recevant des instructions du Président de la République, il lui revenait d’aller vers les voies et moyens par lesquels il doit proposer des solutions.
Energie Pour Tous : Croyez-vous à l’implication d’AREVA et de la Libye dans ce conflit armé?
M. Mohamed Anako : Ici, je ne parlerai pas personnellement de la France et de la Libye. Je sais que ces deux pays ont des intérêts au Niger. Mais, je ne peux pas vous dire que le groupe AREVA est impliqué dans ce conflit. Il le fera pour quel intérêt ? Pour moi, AREVA est une société multinationale, donc, c’est des gens qui viennent pour injecter des milliards et des milliards pour exploiter de l’uranium. Je ne pense pas qu’ils puissent avoir un intérêt quelconque pour créer l’instabilité dans notre pays, et d’ailleurs AREVA et la Libye ne sont pas si cons que cela. Je vous rappelle que la Libye de Kadhafi préside la CEN-SAD, une institution Africaine chère à Kadhafi. Dans tous les cas, je reconnais qu’il y a le Kadhafi des années 80 et le Kadhafi des années 90. Mais, aujourd’hui, on observe un changement, car le Colonel Kadhafi veut devenir Président de l’Afrique unie, c’est cela son rêve. C’est pourquoi, je ne pense pas qu’il puisse créer l’instabilité au niveau des pays voisins, lui qui rêve de voir une Afrique unie et qu’il se trouve au devant de la scène. Par conséquent, je conclue que le Guide Libyen n’est pas véritablement impliqué dans ce conflit, peut-être qu’il peut avoir des gens autour de lui parce que ses différents Etats majeurs sont capables de poser un tel acte dans tous les pays du monde. Puisque, en Libye, il peut exister des réseaux qui sont à l’ombre et qui peuvent faire leur montage comme ils veulent.
Energie Pour Tous : L’Union Européenne a rendu un communiqué sur la situation armée au Niger et au Mali. Quelle appréciation faites- vous de ce communiqué de presse ?
M. Mohamed Anako : Pour moi, c’est un communiqué qui a une double signification. Ce n’est pas un communiqué genre vraiment superficiel commenté sur la radio nationale, mais je pense que le communiqué dit des choses au-delà des explications données par le journaliste de Télé sahel. L’Union Européenne en s’adressant au Niger et au Mali disait qu’il faut vraiment faire en sorte que la stabilité revienne dans cette zone et que c’est un problème qui dépasse les frontières nationales, donc ça veut dire qu’il y a un risque si on ne fait pas attention. Plusieurs puissances risquent de s’impliquer, c’est ce que ça veut dire, parce qu’il y a des intérêts, donc moi je pense qu’on doit faire extrêmement attention avec le contenu du communiqué de l’Union Européenne, on doit faire beaucoup attention à ce problème pour qu’il ne débouche pas sur autre chose, c’est en ces termes que j’ai compris la teneur du communiqué de l’Union européenne.
Energie Pour Tous : On a surtout l’impression Monsieur le Haut Commissaire que votre Institution ne rend pas public les efforts consentis dans le cadre de ce conflit, qu’avez-vous fait depuis lors ?
M. Mohamed Anako : Merci de m’avoir posé cette question. Il est vrai, qu’il y a des Nigériens qui pensent que d’abord nous au niveau du Haut Commissariat on ne fait rien, il y a ceux qui pensent qu’ils ne sentent pas la présence du Haut Commissaire. Puisque je suis moi-même ex-rebelle, j’aimerai lever toute équivoque. Je rappelle que j’ai signé différents accords de paix avec l’Etat du Niger, donc je n’ai pas intérêt à ce que ces accords s’envolent à l’éclat, parce que c’est un engagement d’abord au niveau de l’ex-résistance et encore personnel. Aujourd’hui que je suis Haut Commissaire cela veut dire que c’est au nom de l’Etat du Niger que je suis là. A la naissance de ce conflit, j’ai attiré l’attention du gouvernement avec des rapports. J’ai ensuite attiré l’attention qu’il faut privilégier le dialogue, déjà à partir de l’attaque d’Iferouâne, mais je n’ai pas été compris. Ultérieurement, j’ai toujours rappelé notre position qui consiste à aller vers le dialogue que ça soit au cours de mes audiences avec le Président de la République, que ça soit avec le Premier Ministre ou avec les différents membres du gouvernement qui sont impliqués dans la question d’insécurité. Je dois vous dire, après l’attaque de Tizarzet, le Haut Commissariat a été approché. A cet effet, j’ai été amené à approcher de façon informelle les rebelles parce que je ne peux dire formelle puisqu’au niveau du gouvernement on n’a pas reconnu le groupe armé. Ils nous ont dit parmi leurs prisonniers, ils ont des militaires qui sont blessés suite à l’attaque. Je leur ai posé la question de savoir qu’est-ce qu’ils veulent en faire avec des prisonniers blessés. Ensuite, je leur ai demandé de nous permettre de nous occuper de ces gens malades. Mais, sur le champ, je leur ai demandé de nous donner le temps pour voir comment nous allons les récupérer en prenant attache avec le CICR qui à son tour a pris contact avec le groupe armé. Donc, je vous permets de relever qu’on a facilité le contact entre le CICR et le groupe armé. A la suite, le groupe armé avait annoncé qu’il allait nous rendre tous les prisonniers qui sont blessés, ce qui été négocié d’ailleurs avec eux. Aussi, je me rappelle avoir discuté chaudement avec eux parce qu’à un moment ils nous ont dit, qu’ils vont nous donner une dizaine de personnes et après on est allé jusqu’à une trentaine. Moi, je pense que cet acte est extrêmement important. C’est dans cette condition que les blessés nous ont été rendus par le CICR. C’est quelque chose qu’on doit saluer au niveau de l’Etat du Niger. Aussi, par rapport à l’enlèvement du Chinois, lorsqu’on nous a mis au courant, nous avions procédé à des investigations, en prenant contact avec le groupe armé pour leur dire vraiment il faut libérer le Chinois. Au quel cas, ils se transforment en terroristes, parce que c’est un civil. Après, ils nous ont dit qu’ils vont nous donner la réponse ultérieurement, une semaine plus tard ils ont appelé le Haut Commissariat pour la libération du Chinois, ils nous ont donné 24 heures pour le récupérer. Après, nous étions mis à l’épreuve selon laquelle comment il fallait procéder pour le récupérer dans le délai. J’ai informé le Président de la République qui nous a instruit de tout mettre en oeuvre pour le retrouver saint et sauf. Aussitôt, nous avions monté le dispositif de récupération avec le CICR, mais le CICR nous a posé une condition pour dire qu’il est souhaitable qu’il soit avec d’autres prisonniers, c’est-àdire des otages en plus du Chinois. J’ai encore rappelé les rebelles pour leur dire vraiment de tout faire pour libérer d’autres otages fatigués ou âgés, ça serait un acte de bonne volonté. A cet effet, nous avons accéléré la procédure et ils ont répondu à notre demande. Le CICR très content de ce qui vient de se passer, est allé très vite récupéré les prisonniers et le Chinois. S’agissant aussi des coupeurs de routes, le Haut Commissariat a eu à intervenir, quand il y a eu des véhicules de projets et ONG ou des véhicules civils enlevés dans la zone, parce qu’effectivement il y a des voleurs qui prennent des véhicules. Présentement, c’est le travail d’apaisement que nous sommes entrain de faire et non de va-t-en guerre. Notre démarche consiste à créer les conditions d’apaisement. Heureusement, au même moment de ces efforts, j’ai observé des comportements et des démarches de la société civile qu’on peut saluer qui consistent à aller vers un dialogue.
Energie Pour Tous : Dans cette option quel appel lancez-vous au gouvernement et au MNJ ?
M. Mohamed Anako : L’appel que je lance au gouvernement comme au MNJ, c’est d’épargner le Niger de cette guerre inutile. Notre pays n’a pas besoin de ça, que ça soit du MNJ, que ça soit des bandits, des trafiquants ou des voleurs, je pense que c’est le pays qui perd. Aujourd’hui, avec la pose des mines dans ce pays, finalement, on ne sait plus là où elles se trouvent, sans compter les multiples attaques, ceci représente un grave danger pour le Niger et pour l’avenir de notre pays. Ainsi, si demain on nous dit qu’il y a le retour de la paix, ce n’est pas pour dix ans, c’est pourquoi, il faut faire vite et arrêter cela. Quelle que soit la position des uns et des autres, je sais qu’on va finir autour d’une table, c’est pour cela que je dis il faut épargner le Niger de cette guerre superflue, que ça soit le MNJ, que ça soit le gouvernement, moi je pense qu’on doit aller autour d’une table pour parler entre Nigériens.
Energie Pour Tous : actuellement, il est constaté des violations des droits de l’homme par ci et par là dans la zone théâtre du conflit. Selon vous que faut-il faire pour arrêter définitivement cet état de fait ?
M. Mohamed Anako : Pour arrêter cela, je dis qu’il faut aller vite vers les négociations parce que vous n’êtes pas sans savoir que la zone d’Agadez est soumise sous état de mise en garde. Qui dit état de mise en garde, parle de violations des droits de l’homme. Ces violations peuvent être des arrestations arbitraires, parce qu’il y a des gens qu’on est en train d’arrêter à tord et à travers du fait de la mise en garde. Cette situation a créé un phénomène de psychose dans la région d’Agadez. Il y a beaucoup de personnes qui pensent que, la mise en garde veut dire que l’armée peut faire ce qu’elle veut. Il est vrai que l’armée ne fait pas ce qu’elle veut heureusement encore. L’armée sur le terrain jusqu’à présent a été une armée responsable, malgré le feu vert de perquisition qu’elle a obtenu. Ces militaires font leur travail avec intelligence, car les gens qui sont interpellés, ont été bien traités et ça c’est extrêmement important du point de vue droit de l’homme. Mais, on peut arriver à un engrenage avec le type de débat télévisé que j’ai eu l’habitude d’observer sur la télévision nationale. Je pense qu’à travers ces débats les gens sont entrain de créer les conditions d’entretenir une haine contre les différentes communautés de ce pays, là aussi le gouvernement doit mettre fin à cela. Du point de vue économique la région d’Agadez est suffoquée, tout coûte cher. Cette année, il n’y aura pas du tourisme. Je vous rappelle que le tourisme c’est la principale activité économique de la région d’Agadez. Avec cette situation le commerce s’est arrêté même les échanges entre les Etats. En plus, il y a un phénomène d’insécurité résiduelle avec la présence de bandits, de voleurs, c’està- dire des gens qui sont là et qui ne cherchent que l’argent facile. Pour leurs seuls intérêts, ils peuvent arrêter des voitures quand ils veulent et où ils veulent parce qu’ils peuvent être cachés partout dans le désert. La région d’Agadez est constituée d’un relief accidenté donc c’est vraiment une région de maquis, de banditisme propice à tout. Il y a aussi des gens sans moralité, qui peuvent se permettre d’arrêter des cars de transport urbain n’importe où, généralement après avoir pris la drogue. Il y a à cet effet, une situation d’insécurité qui est donc préoccupante. En ce moment dans la région d’Agadez, il y a l’armée qui est là, il y a le MNJ qui est là, il y a des groupes de bandits qui sont là chacun fait sa propre loi, je pense que vraiment il ne faut pas que nous oublions que la région d’Agadez est quand même le poumon économique de ce pays.
Energie Pour Tous : Y a t-il une relation entre la rébellion touarègue malienne et nigérienne ?
M. Mohamed Anako : Les rébellions malienne et nigérienne sont liées, c’est la même chose, c’est-à-dire le Mali et le Niger c’est presque le même Etat.
Energie Pour Tous : vous avez prononcé la même expression sur l’AFP ?
M. Mohamed Anako : C’est vrai, car c’est la même zone. En réalité le Mali et le Niger constituent une seule communauté que vous allez trouver de par et d’autre de la frontière nigéro-malienne. Cela veut dire, s’il y a une communauté qui prend des armes au Mali si c’est des songhaï ça veut dire qu’il ne faut même pas réfléchir il y aura des songhaïs Nigériens, si c’est des Touaregs du Mali il ne faut même pas réfléchir il aura des Touaregs du Niger, si c’est des Peuls de la zone il ne faut même pas réfléchir il y aura des Peuls de par et d’autre.
Energie Pour Tous : monsieur le Haut Commissaire enfin quel est votre souhait ?
M. Mohamed Anako : Mon souhait est que la confiance revienne entre les Nigériens pour qu’ils travaillent main dans la main parce que nous avons d’énormes potentialités qui peuvent nous sortir de la situation que nous vivons aujourd’hui, celle de la misère et de la pauvreté pour construire notre pays. Pour finir, il faut d’abord explorer les pistes du dialogue.
Propos recueillis par
Moustapha Kadi
01 Février
Publié le 01 Février
Source: Energie Pour Tous
http://www.nigerdiaspora.net/journaux/energie.pdf
La signature du premier accord de paix entre le Gouvernement du Niger et l’Organisation de la Résistance Armée (ORA), a jeté les bases de la création d’un
Commissariat à la Restauration de la Paix rattaché à la Présidence de la République.
Cet accord de paix intervenu le 24 avril 1995 a été complété le 28 novembre 1997 par un Protocole d’Accord Additionnel signé à Alger.
Afin de ramener une paix définitive et durable sur toute l’étendue du territoire, le 28 août 1998 intervenait à N’Djamena l’accord de paix entre le Gouvernement du Niger et le FDR. Ces différents accords ont eu en toile de fond quatre axes majeurs à savoir : la décentralisation, le développement socio-économique des zones touchées par les conflits, la sécurisation des zones touchées et l’intégration et la réintégration des excombattants dans les différents corps de l’État et leur réinsertion socioéconomique dans leur région d’origine.
M. Mohamed Anacko, l’un des anciens leaders de cette rébellion des années 1990, a été nommé Haut Commissaire à la Restauration de la Paix avec rang de Ministre, où il contribue activement à la consolidation de la paix à travers la réinsertion des ex-combattants et la promotion d’une culture de paix par le renforcement d’une dynamique à travers le dialogue, la concertation et une transition vers un développement à la base.
Face, à la situation qui prévaut dans le Nord, M. Mohamed Anako a accepté de nous recevoir sans porter de gants. Il nous livre ses préoccupations et accuse.
Cet accord de paix intervenu le 24 avril 1995 a été complété le 28 novembre 1997 par un Protocole d’Accord Additionnel signé à Alger.
Afin de ramener une paix définitive et durable sur toute l’étendue du territoire, le 28 août 1998 intervenait à N’Djamena l’accord de paix entre le Gouvernement du Niger et le FDR. Ces différents accords ont eu en toile de fond quatre axes majeurs à savoir : la décentralisation, le développement socio-économique des zones touchées par les conflits, la sécurisation des zones touchées et l’intégration et la réintégration des excombattants dans les différents corps de l’État et leur réinsertion socioéconomique dans leur région d’origine.
M. Mohamed Anacko, l’un des anciens leaders de cette rébellion des années 1990, a été nommé Haut Commissaire à la Restauration de la Paix avec rang de Ministre, où il contribue activement à la consolidation de la paix à travers la réinsertion des ex-combattants et la promotion d’une culture de paix par le renforcement d’une dynamique à travers le dialogue, la concertation et une transition vers un développement à la base.
Face, à la situation qui prévaut dans le Nord, M. Mohamed Anako a accepté de nous recevoir sans porter de gants. Il nous livre ses préoccupations et accuse.
Energie Pour Tous : Bonjour Monsieur Mohamed Anako, vous êtes Ministre, Haut Commissaire à la restauration de la paix au Niger, pouvezvous nous présenter votre institution?
M. Mohamed Anako : Je vous remercie de cette opportunité. Le Haut Commissariat à la Restauration de la Paix est une structure qui est rattachée à la Présidence de la République dont la mission principale est la restauration de la paix au Niger. Cette structure a été mise en place au lendemain de la signature des accords de paix le 24 avril 1995. Sa mission principale est la restauration de la paix et surtout la mise en oeuvre des différentes clauses des accords de paix qui ont été signés entre le gouvernement et les rebellions armées, et leur suivi.
Energie Pour Tous : Quelles sont les raisons pour lesquelles l’accord de paix de 1995 n’a pas été respecté à la lettre, d’où la naissance d’un front armé ?
M. Mohamed Anako : S’agissant de l’accord de paix du 24 avril 1995, je ne dirais pas qu’il n’a pas été respecté, mais je peux cependant relever un certain nombre de points qui n’ont pas vu leur application effective notamment le point relatif à la décentralisation. A ce niveau, il faut dire que les lois ont été adoptées et nous sommes aujourd’hui à la phase de communalisation. Comme vous le savez, les accords de paix du 24 avril 1995 ont prévu une décentralisation vraiment effective, c’est à dire poussée comme l’indique les termes de ces accords de paix. Cela n’a pas été effectif et le deuxième point est relatif au développement des zones qui ont été touchées par le conflit. A ce niveau, il faut rappeler s’il y a eu rébellion dans les années 90, l’une des causes principales c’est le sous développement et la pauvreté. Donc il était nécessaire de mettre un accent très particulier sur le développement des zones qui ont été touchées par le conflit pour mettre en place une politique de développement durable et efficiente. En réalité, ça n’a pas été fait. Mais, il faut reconnaître que ça a coïncidé avec la situation de conjoncture économique. Si je peux me le permettre à l’époque, le Niger était véritablement soumis au dicta de la banque mondiale et du FMI. Donc, ceci, a beaucoup pénalisé la mise en oeuvre de la principale clause, relative au développement. Il faut reconnaître aussi que les partenaires et les amis du Niger n’ont pas accompagné dans le vrai sens. Il y a aussi un problème de répartitions des richesses. Les accords de paix ont prévu que les sociétés minières qui sont implantées au nord apportent leurs contributions pour le retour définitif de la sécurité, parce que la sécurité dans cette zone, n’est pas seulement militaire, elle est aussi économique. A cet effet, les sociétés minières n’ont pas accompagné le Niger pour le retour de la stabilité. Je vous cite un petit exemple concret : les accords de paix avaient prévu l’intégration de 300 excombattants au sein des sociétés minières, cela n’a jamais été fait. Vous voyez bien que quelque part les sociétés minières ont une grande responsabilité dans ce que nous sommes en train de vivre aujourd’hui.
Energie Pour Tous : Concrètement selon vous, qui est responsable de cet échec ?
M. Mohamed Anako : Je préfère parler de malentendus, parce qu’une paix se construit à deux, donc il y a les ex-fronts de l’ex-rébellion qui sont partenaires de cet accord de 1995 et la partie gouvernementale. Ce sont ces deux parties qui doivent s’asseoir de temps en temps pour faire le point. J’ai compris depuis un certain temps les gens considéraient que la paix a été définitive alors que la paix c’est un processus, c’est un travail de tous les jours. Une paix ne peu pas être définitive tout de suite, elle peut aller sur 20 ans, 50 ans ; et moi je pense qu’il y a eu une erreur à ce niveau. Lorsque nous avions parvenu à la signature des accords de paix, les gens ont été intégrés dans différents corps, certains sont réinsérés. Pour bon nombre de personnes, il y a le retour de la paix, c’est bon tout est appliqué. Malheureusement, cela a manqué de suivi et de concertation permanente entre les parties belligérantes.
Energie Pour Tous : Quels sont selon vous les enjeux miniers dans la partie Nord du Niger, théâtre du conflit actuel ?
M. Mohamed Anako : Les enjeux miniers sont importants dans le nord. Cette partie regorge d’énormes potentialités minières qui vont du pétrole, de l’uranium, du charbon, du cuivre à l’or. On parle même du diamant. Donc, ça veut dire qu’il y aura aussi des enjeux géostratégiques. Certains ne vont pas nous laisser tranquille, parce que nous constituons un centre d’intérêts stratégiques pour les sociétés multinationales qui opèrent dans cette zone. Puisqu’elles vont d’abord se faire la guerre entre elles, mais il y a aussi l’Etat du Niger qui ouvrira une compétition entre les multinationales, ensuite entre elles et l’Etat du Niger et le troisième élément, c’est bien sûr la population qui vit dans cette zone. Je pense donc qu’il aurait fallu avant de se lancer dans la prospection et dans la recherche proprement parler comme on est entrain de le vivre aujourd’hui, observer un temps de réflexion, ça veut dire qu’il fallait que les Nigériens se concertent tous ensemble pour voir qu’est-ce qu’ils vont faire de leurs richesses, c’est-à-dire, il ne faut pas que nous partions sur les anciennes bases, qui ont été mal faites, à savoir les différents contrats qui ont été signés entre l’Etat du Niger et les multinationales. Je pense que ce sont les contrats qui sont mal faits, car dictés par les multinationales, donc on doit arrêter tout cela. Aujourd’hui les Nigériens doivent donner leurs points de vue par rapport à comment ils vont répartir leurs richesses entre eux et en ce moment ça serait plus facile d’imposer ce qu’on veut faire avec les multinationales. Je suis convaincu qu’on a un peu raté le coche, il faut donc revenir sur ces points.
Energie Pour Tous : Qui sont les acteurs de l’actuel conflit du Nord ?
M. Mohamed Anako : Les acteurs de ce nouveau conflit sont d’abord les anciens rebelles de l’ex-rébellion des années 90. Pour le moment, c’est tout ce que je peux vous dire, mais il y a des gens qui ont déserté un moment au niveau de nos forces de défense et de sécurité, qui les ont rejoints. Il y a un moment, on nous parlait de trafiquants de cocaïne parce que là, il faut dire que même durant les premières rébellions l’espace saharien entre le Niger, le Mali, la Libye, la Mauritanie et l’Algérie, a toujours constitué une zone de trafic. C’est pourquoi, il y a eu toujours des trafiquants dans cette zone et il y en aura toujours, parce que la zone est très vaste. Je suis aussi persuadé qu’aujourd’hui avec la résurgence de l’insécurité au Mali, cela peut nous attirer tous les bandits de grands chemins, cela veut dire qu’il y a des gens qui ne profitent que de la situation liée à l’espace en dehors même des rébellions. Naturellement, le phénomène de banditisme de grands chemins refait surface dans cette partie nord du pays.
Energie Pour Tous : Qu’est-ce qu’ils revendiquent ces rebelles ?
M. Mohamed Anako : Au niveau du Haut Commissariat de la Restauration de la Paix à un moment, on les a approché, pour savoir qu’est-ce qu’ils veulent, parce que nous avons reçu des instructions du Président de la République pour qu’on sache qu’est-ce qu’ils revendiquent et qui sont-ils. A cette occasion, ils nous ont envoyé leurs revendications autour de six (6) points, les gens qui naviguent sur internet vont voir ces six points là. Ces revendications tournent autour des accords de paix. Toutes les revendications que moi j’ai vues, tournent autour des anciens accords de paix, peut être qu’il s’agit d’insuffisances relatives à la mise en oeuvre des accords de paix. Toutefois, le seul point qui me paraît un peu étrange si je peux le considérer comme un nouveau point est relatif à l’assassinat du Président Barré Maïnassara. Voilà ce que je peux vous dire pour l’instant sur cette question. Ce qui est sûr, on a jamais discuté avec eux, généralement les gens qui se rebellent posent toujours la barre plus haute, parce que là je suis bien placé pour le dire étant moi-même un ancien rebelle. Je dois vous rappeler que j’étais dans l’ancienne rébellion donc ils peuvent revendiquer tout ce qu’ils veulent mais cela ne va pas dire que c’est ça qui en découlera lors des négociations.
Energie Pour Tous : Selon vous quelles sont les propositions de solution?
M. Mohamed Anako : Il faut d’abord s’asseoir autour d’une table de négociation quelques soit les groupes des gens qui ont pris les armes ou quelque soit la situation, en ce sens il faut toujours privilégier le dialogue, sans dialogue on risque de s’embourber dans un engrenage qui fera en sorte que demain on ne pourra pas s’en sortir surtout dans le contexte actuel des géopolitiques, parce que souvent les gens ont tendance à oublier que nous constituons une convoitise pour l’extérieur. C’est pour toutes ces raisons qu’il ne faut pas donner l’occasion à toutes ces puissances qui nous observent, et que nous arrêtions de nous divertir. Pour ma part, il faut aller très vite au dialogue, car les Nigériens doivent se parler.
Energie Pour Tous : Plusieurs pays amis et la société civile nigérienne ont proposé leurs bons offices pour un règlement concerté. Pourquoi le gouvernement se refuse d’accéder à la voie du dialogue ?
M. Mohamed Anako : En ma qualité de Haut Commissaire, je sais que le gouvernement n’a pas totalement fermé la porte, en ce sens que le problème avait été posé à un moment d’instabilité politique au Niger. Pour rappel, le Président de la République avait dit «qu’ils n’ont qu’à déposer les armes et venir, on va parler avec eux». Donc pour moi, il y a une ouverture, cela veut dire que le Président de la République n’a pas totalement fermé la porte, car il a clairement déclaré, il faut qu’ils déposent les armes et qu’ils viennent on va discuter. Je suis convaincu qu’il y a possibilité de dialoguer avec eux parce que même le fait qu’ils déposent les armes ça veut dire qu’on va parler avec eux. A ce sujet j’incombe la responsabilité au gouvernement parce que le gouvernement en recevant des instructions du Président de la République, il lui revenait d’aller vers les voies et moyens par lesquels il doit proposer des solutions.
Energie Pour Tous : Croyez-vous à l’implication d’AREVA et de la Libye dans ce conflit armé?
M. Mohamed Anako : Ici, je ne parlerai pas personnellement de la France et de la Libye. Je sais que ces deux pays ont des intérêts au Niger. Mais, je ne peux pas vous dire que le groupe AREVA est impliqué dans ce conflit. Il le fera pour quel intérêt ? Pour moi, AREVA est une société multinationale, donc, c’est des gens qui viennent pour injecter des milliards et des milliards pour exploiter de l’uranium. Je ne pense pas qu’ils puissent avoir un intérêt quelconque pour créer l’instabilité dans notre pays, et d’ailleurs AREVA et la Libye ne sont pas si cons que cela. Je vous rappelle que la Libye de Kadhafi préside la CEN-SAD, une institution Africaine chère à Kadhafi. Dans tous les cas, je reconnais qu’il y a le Kadhafi des années 80 et le Kadhafi des années 90. Mais, aujourd’hui, on observe un changement, car le Colonel Kadhafi veut devenir Président de l’Afrique unie, c’est cela son rêve. C’est pourquoi, je ne pense pas qu’il puisse créer l’instabilité au niveau des pays voisins, lui qui rêve de voir une Afrique unie et qu’il se trouve au devant de la scène. Par conséquent, je conclue que le Guide Libyen n’est pas véritablement impliqué dans ce conflit, peut-être qu’il peut avoir des gens autour de lui parce que ses différents Etats majeurs sont capables de poser un tel acte dans tous les pays du monde. Puisque, en Libye, il peut exister des réseaux qui sont à l’ombre et qui peuvent faire leur montage comme ils veulent.
Energie Pour Tous : L’Union Européenne a rendu un communiqué sur la situation armée au Niger et au Mali. Quelle appréciation faites- vous de ce communiqué de presse ?
M. Mohamed Anako : Pour moi, c’est un communiqué qui a une double signification. Ce n’est pas un communiqué genre vraiment superficiel commenté sur la radio nationale, mais je pense que le communiqué dit des choses au-delà des explications données par le journaliste de Télé sahel. L’Union Européenne en s’adressant au Niger et au Mali disait qu’il faut vraiment faire en sorte que la stabilité revienne dans cette zone et que c’est un problème qui dépasse les frontières nationales, donc ça veut dire qu’il y a un risque si on ne fait pas attention. Plusieurs puissances risquent de s’impliquer, c’est ce que ça veut dire, parce qu’il y a des intérêts, donc moi je pense qu’on doit faire extrêmement attention avec le contenu du communiqué de l’Union Européenne, on doit faire beaucoup attention à ce problème pour qu’il ne débouche pas sur autre chose, c’est en ces termes que j’ai compris la teneur du communiqué de l’Union européenne.
Energie Pour Tous : On a surtout l’impression Monsieur le Haut Commissaire que votre Institution ne rend pas public les efforts consentis dans le cadre de ce conflit, qu’avez-vous fait depuis lors ?
M. Mohamed Anako : Merci de m’avoir posé cette question. Il est vrai, qu’il y a des Nigériens qui pensent que d’abord nous au niveau du Haut Commissariat on ne fait rien, il y a ceux qui pensent qu’ils ne sentent pas la présence du Haut Commissaire. Puisque je suis moi-même ex-rebelle, j’aimerai lever toute équivoque. Je rappelle que j’ai signé différents accords de paix avec l’Etat du Niger, donc je n’ai pas intérêt à ce que ces accords s’envolent à l’éclat, parce que c’est un engagement d’abord au niveau de l’ex-résistance et encore personnel. Aujourd’hui que je suis Haut Commissaire cela veut dire que c’est au nom de l’Etat du Niger que je suis là. A la naissance de ce conflit, j’ai attiré l’attention du gouvernement avec des rapports. J’ai ensuite attiré l’attention qu’il faut privilégier le dialogue, déjà à partir de l’attaque d’Iferouâne, mais je n’ai pas été compris. Ultérieurement, j’ai toujours rappelé notre position qui consiste à aller vers le dialogue que ça soit au cours de mes audiences avec le Président de la République, que ça soit avec le Premier Ministre ou avec les différents membres du gouvernement qui sont impliqués dans la question d’insécurité. Je dois vous dire, après l’attaque de Tizarzet, le Haut Commissariat a été approché. A cet effet, j’ai été amené à approcher de façon informelle les rebelles parce que je ne peux dire formelle puisqu’au niveau du gouvernement on n’a pas reconnu le groupe armé. Ils nous ont dit parmi leurs prisonniers, ils ont des militaires qui sont blessés suite à l’attaque. Je leur ai posé la question de savoir qu’est-ce qu’ils veulent en faire avec des prisonniers blessés. Ensuite, je leur ai demandé de nous permettre de nous occuper de ces gens malades. Mais, sur le champ, je leur ai demandé de nous donner le temps pour voir comment nous allons les récupérer en prenant attache avec le CICR qui à son tour a pris contact avec le groupe armé. Donc, je vous permets de relever qu’on a facilité le contact entre le CICR et le groupe armé. A la suite, le groupe armé avait annoncé qu’il allait nous rendre tous les prisonniers qui sont blessés, ce qui été négocié d’ailleurs avec eux. Aussi, je me rappelle avoir discuté chaudement avec eux parce qu’à un moment ils nous ont dit, qu’ils vont nous donner une dizaine de personnes et après on est allé jusqu’à une trentaine. Moi, je pense que cet acte est extrêmement important. C’est dans cette condition que les blessés nous ont été rendus par le CICR. C’est quelque chose qu’on doit saluer au niveau de l’Etat du Niger. Aussi, par rapport à l’enlèvement du Chinois, lorsqu’on nous a mis au courant, nous avions procédé à des investigations, en prenant contact avec le groupe armé pour leur dire vraiment il faut libérer le Chinois. Au quel cas, ils se transforment en terroristes, parce que c’est un civil. Après, ils nous ont dit qu’ils vont nous donner la réponse ultérieurement, une semaine plus tard ils ont appelé le Haut Commissariat pour la libération du Chinois, ils nous ont donné 24 heures pour le récupérer. Après, nous étions mis à l’épreuve selon laquelle comment il fallait procéder pour le récupérer dans le délai. J’ai informé le Président de la République qui nous a instruit de tout mettre en oeuvre pour le retrouver saint et sauf. Aussitôt, nous avions monté le dispositif de récupération avec le CICR, mais le CICR nous a posé une condition pour dire qu’il est souhaitable qu’il soit avec d’autres prisonniers, c’est-àdire des otages en plus du Chinois. J’ai encore rappelé les rebelles pour leur dire vraiment de tout faire pour libérer d’autres otages fatigués ou âgés, ça serait un acte de bonne volonté. A cet effet, nous avons accéléré la procédure et ils ont répondu à notre demande. Le CICR très content de ce qui vient de se passer, est allé très vite récupéré les prisonniers et le Chinois. S’agissant aussi des coupeurs de routes, le Haut Commissariat a eu à intervenir, quand il y a eu des véhicules de projets et ONG ou des véhicules civils enlevés dans la zone, parce qu’effectivement il y a des voleurs qui prennent des véhicules. Présentement, c’est le travail d’apaisement que nous sommes entrain de faire et non de va-t-en guerre. Notre démarche consiste à créer les conditions d’apaisement. Heureusement, au même moment de ces efforts, j’ai observé des comportements et des démarches de la société civile qu’on peut saluer qui consistent à aller vers un dialogue.
Energie Pour Tous : Dans cette option quel appel lancez-vous au gouvernement et au MNJ ?
M. Mohamed Anako : L’appel que je lance au gouvernement comme au MNJ, c’est d’épargner le Niger de cette guerre inutile. Notre pays n’a pas besoin de ça, que ça soit du MNJ, que ça soit des bandits, des trafiquants ou des voleurs, je pense que c’est le pays qui perd. Aujourd’hui, avec la pose des mines dans ce pays, finalement, on ne sait plus là où elles se trouvent, sans compter les multiples attaques, ceci représente un grave danger pour le Niger et pour l’avenir de notre pays. Ainsi, si demain on nous dit qu’il y a le retour de la paix, ce n’est pas pour dix ans, c’est pourquoi, il faut faire vite et arrêter cela. Quelle que soit la position des uns et des autres, je sais qu’on va finir autour d’une table, c’est pour cela que je dis il faut épargner le Niger de cette guerre superflue, que ça soit le MNJ, que ça soit le gouvernement, moi je pense qu’on doit aller autour d’une table pour parler entre Nigériens.
Energie Pour Tous : actuellement, il est constaté des violations des droits de l’homme par ci et par là dans la zone théâtre du conflit. Selon vous que faut-il faire pour arrêter définitivement cet état de fait ?
M. Mohamed Anako : Pour arrêter cela, je dis qu’il faut aller vite vers les négociations parce que vous n’êtes pas sans savoir que la zone d’Agadez est soumise sous état de mise en garde. Qui dit état de mise en garde, parle de violations des droits de l’homme. Ces violations peuvent être des arrestations arbitraires, parce qu’il y a des gens qu’on est en train d’arrêter à tord et à travers du fait de la mise en garde. Cette situation a créé un phénomène de psychose dans la région d’Agadez. Il y a beaucoup de personnes qui pensent que, la mise en garde veut dire que l’armée peut faire ce qu’elle veut. Il est vrai que l’armée ne fait pas ce qu’elle veut heureusement encore. L’armée sur le terrain jusqu’à présent a été une armée responsable, malgré le feu vert de perquisition qu’elle a obtenu. Ces militaires font leur travail avec intelligence, car les gens qui sont interpellés, ont été bien traités et ça c’est extrêmement important du point de vue droit de l’homme. Mais, on peut arriver à un engrenage avec le type de débat télévisé que j’ai eu l’habitude d’observer sur la télévision nationale. Je pense qu’à travers ces débats les gens sont entrain de créer les conditions d’entretenir une haine contre les différentes communautés de ce pays, là aussi le gouvernement doit mettre fin à cela. Du point de vue économique la région d’Agadez est suffoquée, tout coûte cher. Cette année, il n’y aura pas du tourisme. Je vous rappelle que le tourisme c’est la principale activité économique de la région d’Agadez. Avec cette situation le commerce s’est arrêté même les échanges entre les Etats. En plus, il y a un phénomène d’insécurité résiduelle avec la présence de bandits, de voleurs, c’està- dire des gens qui sont là et qui ne cherchent que l’argent facile. Pour leurs seuls intérêts, ils peuvent arrêter des voitures quand ils veulent et où ils veulent parce qu’ils peuvent être cachés partout dans le désert. La région d’Agadez est constituée d’un relief accidenté donc c’est vraiment une région de maquis, de banditisme propice à tout. Il y a aussi des gens sans moralité, qui peuvent se permettre d’arrêter des cars de transport urbain n’importe où, généralement après avoir pris la drogue. Il y a à cet effet, une situation d’insécurité qui est donc préoccupante. En ce moment dans la région d’Agadez, il y a l’armée qui est là, il y a le MNJ qui est là, il y a des groupes de bandits qui sont là chacun fait sa propre loi, je pense que vraiment il ne faut pas que nous oublions que la région d’Agadez est quand même le poumon économique de ce pays.
Energie Pour Tous : Y a t-il une relation entre la rébellion touarègue malienne et nigérienne ?
M. Mohamed Anako : Les rébellions malienne et nigérienne sont liées, c’est la même chose, c’est-à-dire le Mali et le Niger c’est presque le même Etat.
Energie Pour Tous : vous avez prononcé la même expression sur l’AFP ?
M. Mohamed Anako : C’est vrai, car c’est la même zone. En réalité le Mali et le Niger constituent une seule communauté que vous allez trouver de par et d’autre de la frontière nigéro-malienne. Cela veut dire, s’il y a une communauté qui prend des armes au Mali si c’est des songhaï ça veut dire qu’il ne faut même pas réfléchir il y aura des songhaïs Nigériens, si c’est des Touaregs du Mali il ne faut même pas réfléchir il aura des Touaregs du Niger, si c’est des Peuls de la zone il ne faut même pas réfléchir il y aura des Peuls de par et d’autre.
Energie Pour Tous : monsieur le Haut Commissaire enfin quel est votre souhait ?
M. Mohamed Anako : Mon souhait est que la confiance revienne entre les Nigériens pour qu’ils travaillent main dans la main parce que nous avons d’énormes potentialités qui peuvent nous sortir de la situation que nous vivons aujourd’hui, celle de la misère et de la pauvreté pour construire notre pays. Pour finir, il faut d’abord explorer les pistes du dialogue.
Propos recueillis par
Moustapha Kadi
01 Février
Publié le 01 Février
Source: Energie Pour Tous
http://www.nigerdiaspora.net/journaux/energie.pdf
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