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occitan-touareg

Voyage en pays touareg (10) retour par la Tunisie et fin.

14 Décembre 2013 , Rédigé par Pellet Jean-Marc Publié dans #niger, #tunisie, #Touareg-Niger-Agadez

Dimanche 2 avril 2000

Au petit-déjeuner, œufs durs très blancs, café au lait, servis dehors sur la petite table ronde traditionnelle. La mer est très proche. Nous allons à pied jusqu’au petit port de Skhira avec Meftan.

Les pêcheurs s’apprêtent à partir. Sur la jetée, un entassement de pots en terre. Ils sont utilisés pour capturer les poulpes qui s’y nichent et n’en sortent plus. Meftan en ramène un pour moi.

Je vois des petits arbustes aux pompons jaunes depuis Agadez. Meftan m’affirme qu’il s’agit de l’eucalyptus.

Au retour, Saïda m’offre une lampe à pétrole qui sera très utile au cours des nuits de bivouac. Puis elle s’active aux fourneaux. Elle fait des petites galettes avec de la farine et de l’eau qu’elle pétrit, laisse reposer puis cuit à sec dans un moule sur la gazinière. On les déguste en les trempant dans la sauce de la « tchatouka » : des oignons, des petits pois, de la viande de mouton et des épices. C’est délicieux, mais Saïda a la main lourde et les piments nous montent au nez…

Constatant mon intérêt pour la cuisine de son pays, elle me donne deux pots d’épices et un pot de farine qu’elle prépare elle-même et qu’il faut diluer dans de l’eau ou de l’huile. Si j’ai bien compris, il s’agit d’une espèce de céréale. « Taleb Kerouia » l’épice brune du couscous et de la « tchatouka » s’utilise aussi dans les préparations à base de viande, tandis que « filfil ammar », la rouge, est plutôt destinée aux poissons.

Nous quittons la maison en début d’après-midi pour saluer Ajmi et sa famille avant notre départ. On fait un tour avec lui et son frère au bord de la mer, puis la visite de sa ferme avec sa grande serre à piments et à melons et ses cultures de fèves. Nous mangeons la galette trempée dans le beurre et buvons le thé très fort préparé par sa mère mais refusons l’hospitalité. Il est très bavard et nous avons envie de tranquillité. Nous promettons courrier et visite dans les années à venir. Et il psalmodie : « Surtout, n’oubliez pas Ajmi.  Surtout, n’oubliez pas Ajmi. »

Nous partons par Trapsa et son dépôt de pétrole, Hachichina, Maharés, Nakta, Thyna où les oliviers poussent à perte de vue, la très grande et animée Sfax, El Amra où les amandiers sont nombreux, Jebeniana, Oued Bousmir, Ouleb Mabrou, Mellouléche, puis trouvons à Chebba un hôtel à sept dinars par personne. L’assiette est à un dinar ! Il n’y a pas d’eau chaude comme souvent mais nous avons une chambre pour nous…

Lundi 3 avril 2000

Presque la grasse matinée. Le petit-déjeuner est servi dans les chambres avec du café au lait… Je pars à la recherche d’eau chaude pour l’indispensable nescafé… Nous quittons Chebba à onze heures par Chaabna où il y a de nombreux champs de figuiers. À la plage de Salakta, je ramasse des boules végétales, des pierres trouées, des coquillages. La plage est sauvage et désertique. L’eau est très froide. Dans le cimetière marin, deux brebis se régalent de l’herbe fraîche sur les tombes.

Madhia est touristique ainsi que Baghadi, Bekalta, Teboulba, Moktine, Sayada, Khniss, Sousse, Hamam Sousse. Nous fuyons les cars d’Européens pour aller vers Hergla où il n’y a pas d’hôtel. Puis Laabiret, Enfida, Chagardia, Essafha, Bouchifa : toujours pas d’hôtel ! El Emrez, Amaret et Nabeuf sont zones peuplées de blancs, armés d’appareils photos, le bob sur la tête… Direction Korba. C’est vert. Il y a beaucoup de marbreries. Les plants de pommes de terre sortent de terre dans des petits enclos bordés de figuiers de barbarie. À 18 heures, nous atteignons Korba. La ville a 15.000 habitants et pas un seul hôtel ! Jean-Marc s’obstine à trouver un lieu d’hébergement et l’on se retrouve à la Maison des Jeunes où nous dormons pour 15 dinars. Son entêtement a été fructueux.

Mardi 4 avril 2000

Réveil à Korba et café près de la mer avec camping-gaz et nescafé. La plage est sale, jonchée de canettes de bière et de bouteilles plastique. L’eau est beaucoup trop froide pour un bain. Je sors quand même ma robe d’été. Sitôt franchi le grand axe principal, la ville paraît abandonnée. Beaucoup de maisons secondaires à deux étages réservées aux bourgeois de Tunis. Dans les jardins poussent ces espèces de cèdres dont les « cheveux » ressemblent à de la peluche.

Chaabani, Lebna gare, l’oued Lebna, Menzel, Temime, Sidi Djamel Edine, Kélibia et pique-nique au bord de la mer.

Hammam Jebli, Ezzahrane, Echaf, El Mouaria où il y a une association de fauconniers, Farjoum Ghormène et ses zones de maraîchage, une pinède. Le ciel est d’orage. Bientôt, c’est la pluie : du plus vu depuis février ! Il fait froid. Direction Tunis où j’envisage de passer deux jours à la médina, la grande mosquée… Jean-Marc se fait prier. Zaouit Magaeiz, Sidi Maissa, Bir Mroua, la pluie tombe fort. El Marja, Suliman Dhari, Hammam Chott, Borj Cedria puis l’entrée dans Tunis à 17 heures. Nous achetons un plan, trouvons les quartiers sélectionnés pour les hôtels possédant un garage gardé, car nous avons des bagages sur la galerie. Je note quelques noms de quartiers et d’entreprises : Entreprise Masmoudi, Ciments Karrouba, Café Gabsi, Quartier Bab El Fallam, El Ouardia, Makhlouf…

L’hôtel Zarbis, 20, rue d’Angleterre n’a pas de parking gardé pour le Mercedes ; à l’hôtel de Tunis, 2, Rue Zarkoun c’est 70 dinars la nuit… L’hôtel de l’Agriculture, 25, Rue Charles De Gaulle : 40 dinars la nuit mais la voiture ne passe pas l’arche du parking souterrain…

À 20H30, nous renonçons et décidons de quitter la capitale. Accompagnés par un gendarme en civil rencontré au bord de la route, nous trouvons un palace à 90 dinars la nuit, soit 450 francs français ! C’est beaucoup trop cher et notre accompagnateur nommé Youssef, voyant notre embarras, nous propose l’hébergement que nous acceptons.

Youssef vit à Djebel El Oust, dans une petite maison séparée en deux logements et entourée d’une cour où s’ébattent poules et canards. Les WC et la douche sont dans un angle de la cour. À 22 heures, à notre arrivée, il réveille sa femme et sa belle-sœur qui nous préparent des œufs au plat, des frites, des tomates et des petits piments dont il faut enlever la peau… Il court aussi acheter du vin de Tunisie. Youssef Hammami, sa femme Beya et ses quatre fils : Rami, Nader, Mohamed et Emir quittent aussi le salon pour nous laisser leur place ! En échange du dérangement, nous laissons 20 dinars à Beya et filons le lendemain matin.

Mercredi 5 avril 2000

Bir M’Cherga, Jabes, Thuborbo Majus et son superbe site romain, El Fahs et El Amaien. Les brebis et les agneaux à la tête brune et à la toison épaisse ont dans le prolongement de la colonne vertébrale une espèce de coussinet comme la queue des castors. Les paysages sont vallonnés et les champs de blé nombreux. Des haies de figuiers de barbarie forment clôture. À Bouarada, je me renseigne sur les fameuses menuiseries tunisiennes, en particulier les bancs très simples et leurs fauteuils assortis : 450 dinars les quatre pièces ; mais l’ensemble est verni et brille beaucoup à mon goût.

Nous sillonnons au hasard : l’oued Maleh, l’oued Lahmar puis El Aroussa. Le terrain change ; bruyères, pins et oliviers se côtoient. Ouled Slama, Testour, l’oued Siliana, l’oued Khalled et du poulet rôti au bord de la route : c’est la fête. Jean-Marc a sélectionné le barrage de Sidi Salem sur la carte. Nous y allons par de toutes petites routes tortueuses au milieu d’un paysage à couper le souffle. La montagne paraît entretenue jusqu’au ciel, pas un buisson, pas un espace négligé : sans doute les troupeaux. Le lac artificiel apparaît enfin, bordé de blé vert tendre et posé dans un écrin entouré de collines rondes. Un petit sentier le longe ainsi qu’une langue de terre où paissent les troupeaux. Des pêcheurs installent leurs filets. Bergers et chèvres vont sur l’île en passant à gué. Les femmes viennent chercher de l’eau dans des bidons qu’elles remontent patiemment jusqu’en haut de la côte avant de rejoindre le village.

Nous avons des difficultés à quitter ce lieu idyllique et nous nous arrêtons au village où les femmes me font visiter leurs maisons une à une ! Une jeune interprète à l’air sauvageon nous escorte. Sa mère Baya me vend son tapis tissé pour 25 dinars et me donne quatre œufs frais que je ne peux pas refuser. Nous montons jusqu’à la maison du pêcheur dont le toit de tôle recouvert d’une espèce de banco menace ruine. Là aussi, en guise de bienvenue, nous récupérons quatre œufs malgré nos protestations.

Nous rejoignons Testour et prenons l’instituteur en stop. La ville est belle mais sans hôtel. Nous filons par Slouguia, l’oued Mejerda et laissons Beja sur notre gauche. Nous prenons pension à Mejez El Bab, au Bar Restaurant Membressa. Pendant que je prends une douche et mets mes notes au propre, Jean-Marc et Guilhem font la connaissance de trois joyeux lurons : Kherzani Amara, Bouaaoumi et Jabil Hathroubé qui est douanier à l’aéroport de Tunis. Tournées de bière pendant que nous mangeons ensemble les œufs de Sidi Salem que le restaurateur a bien voulu nous préparer. Nous nous donnons rendez-vous au Café des Amis, dont Kherzani est le propriétaire, demain à 13 heures.

Le lit est mou mais la douche chaude et le petit-déjeuner copieux pour deux dinars par personne.

Jeudi 6 avril

Le Café des Amis est situé à Borj Toumi par El Hari où l’on arrose les blés et les jeunes plantations de tomates et pommes de terre. La pluie n’est pas tombée depuis plusieurs mois et quelques champs de blé sont laissés aux vaches et aux ânes.

Fethi, le fils de Kherzani fume la pipe à eau avec moi. Nous allons ensuite visiter la ferme de sa sœur et y découvrons les fameuses brebis arabes à la queue en forme de coussinet qui est leur réserve de graisse ! Momcaid, la sœur de Kherzani, porte l’habit traditionnel avec deux fibules pour tenir son châle et une ceinture retenue par un gros anneau d’argent. Chez elle, il y a des tortues, un animal sacré chez les Tunisiens avec le poisson et le pigeon. Les tortues vivent en liberté dans la colline et nous refusons d’en ramener.

Kherzani nous paie un méchoui à Mejez El Bab. La viande grillée est arrosée de jus de citron et la queue de mouton savoureuse. Nous visitons ensuite Tébourba où se prépare le grand souk. Je visite les menuisiers, mais tous les bancs sont vernis et j’en désire un brut.

Une fabricante de « tabouna » habite à l’entrée de la ville. Elle pétrit des bourrelets d’argile et monte son four dont elle brûle l’intérieur pour le durcir en laissant trois trous d’aération à la base. Elle vend ses productions entre 6 et 15 dinars en fonction de la taille.

Au retour au Café des Amis, un des deux fils de Kherzani m’offre deux vases en bois et du parfum.

Nous retournons à l’hôtel Membressa à Mejzel El Bab où le patron nous accompagne pour la tournée des menuiseries avec Riahni Hossni, lui aussi menuisier de son état. Je trouve un banc à ma convenance, frais sorti de l’atelier et sans vernis. Jean-Marc juge qu’il n’est pas très sérieux de l’amarrer sur la galerie du 4X4 mais Guilhem prend ma défense et la nuit porte conseil… Il nous reste dix dinars et de la monnaie, juste de quoi se payer un repas et quelques gâteaux.

Vendredi 7 avril

Debout à sept heures, petit-déjeuner et passage à la banque où je retire de quoi payer l’hôtel et mon fameux banc qui coûte 150 dinars. Riahni Hossni nous accompagne pour le chargement à la menuiserie chez Ben Younes Fethi.

Si nous revenons en Tunisie, il nous invite à séjourner à Tabarka, au bord de la mer, où il a sa famille. Guilhem amarre le banc sur la galerie et décharge une bonne partie des malles qui sont entassées à l’arrière du véhicule. Notre crainte est d’avoir une amende à l’entrée sur le bateau car le Mercedes est rehaussé.

La mère de Ben Younes m’offre une poterie de Nabeul et nous promet le couscous dont elle est spécialiste pour un prochain passage… où je pourrais commander mes deux fauteuils assortis.

Départ à 9H30 par l’oued Melah et l’oued Lahmar, El Griaate. Nous sommes dans l’Ariana. Je prends en photo la mosquée de Messadine en essayant d’éviter les fils électriques. Borj El Amri, l’oued Gassab, l’oued Chafrou, Mornaguia et l’entrée à Tunis. Les noms m’inspirent : Huilerie Loukil, dépôt Yosra, Marbrerie Jeridi, Bab Sidi-Kacem tout droit, El Ouerdia à droite avec la mer, la Rue Taha Hussen, la Rue Khaldoun et le cimetière marin à droite, Manche Moncef Bey à droite, Jadida, Amine… Nous faisons le plein des jerricans de gasoil avec nos derniers sous tunisiens. Et encore Rue Saad Zagloul, le quai Kalthoum, Megrine, les bétons Mohamed Masmoudi, Sobourat, Chamam, El Mawassir, la goulette tout droit, Bizerte à gauche, la Marsa, l’Agence Zaraa…

Nous arrivons au port à midi et un employé nous fait signe d’avancer doucement vers le lieu d’embarquement lorsqu’un bruit bizarre nous attire. Nous venons d’arracher un morceau de l’accoudoir du banc ! Je suis furieuse et lorsqu’il me demande de l’argent ou un cadeau, je lui dis de réparer les dégâts dont il est le responsable !

Un Ahmed de Cannes est en panne de voiture. Il collectionne les malchances depuis Sousse et nous le remorquons jusqu’aux soutes du Carthage.

À dix-neuf heures, on choisit une cabine avant d’aller au restaurant situé à l’avant du bateau. Les serveurs sont toujours très pressés et enlèvent les assiettes sitôt la dernière bouchée avalée. Je crois que c’est une coutume en Afrique où l’on ne traîne pas à table mais devant un verre de thé. C’est la seule critique que nous puissions faire au Carthage, un magnifique bateau, quasiment neuf qui totalise onze étages d’accueil ! Nous dormons très bien dans la cabine meublée de quatre lits superposés et munie d’une salle de bains tout confort.

Samedi 8 avril

Petit-déjeuner et douche puis balade sur le pont où quelques-uns font bronzette. De jeunes Allemands finissent leur nuit dans leur duvet et des vieilles à caniches, aux mentons tremblotants, murmurent des mots d’amour à leurs corniauds à quatre pattes qui occupent des cages spéciales à côté de la cabine du commandant. On longe la Corse dont les sommets sont enneigés.

Nous arrivons à Gênes à deux heures de l’après-midi et nous attendons une bonne heure avant que notre tour arrive pour les formalités à la douane et à la gendarmerie. Une femme en uniforme fait du zèle et demande l’ouverture de la malle arrière. Toutes les voitures sont contrôlées longuement.

Et c’est le retour vers l’Ardèche par Varaigne, Savona, Alassio, San Remo, Menton, Monte-Carlo, Antibes, Cannes, Fréjus, Aix-en-Provence, Avignon… Nous arrivons à onze heures à La Coste et Guilhem se précipite pour rejoindre ses amis à Bourg-Saint-Andéol.

© Textes de Nicole Faucon-Pellet (de 1 à 10)

Salines de Teguidda-n-Tessoumt (2000)

Salines de Teguidda-n-Tessoumt (2000)

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