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Touaregs – Etat du Niger : une cohabitation est-elle possible ?

Touaregs – Etat du Niger : une cohabitation est-elle possible ?
 
Entretien avec Ahmed Akoli, Secrétaire politique de la cellule MNJ en Europe.
 
Un an après le déclenchement du conflit armé entre les combattants touaregs de l’Aïr et l’armée du Niger, la situation reste toujours incertaine dans cette région de Tamazgha. Soutenu par la France et les Etats Unis d’Amérique, le régime de Tanja campe sur ses positions et use de tous les moyens afin de soumettre la résistance touarègue. Emprisonnements, assassinats, terreur et intimidation, tels sont les méthodes de Niamey. Par ailleurs, il faut admettre que le MNJ, fondé par des combattants touaregs et composé exclusivement de Touaregs, manque de clarté dans dans son discours et ses objectifs, ce qui ne sert, malheureusement pas, la cause touarègue qui risque d’en pâtir encore une fois.
Il y a également de quoi s’inquiéter de l’implication du dictateur de Tripoli dans le conflit nigéro-touareg. Le 9 mars, le MNJ a remis les 25 otages qu’il détenait à des émissaires de Kadhafi qui les ont, à leur tour, remis aux autorités nigériennes. Cette libération s’est faite sans aucune contrepartie nigérienne. Il n’a même pas été demandé la libération des 117 civils touaregs, dont des femmes et des enfants, détenus par l’Etat nigérien.
En attendant, le régime de Tanja continue à qualifier les combattants du MNJ de bandits et ne veut discuter avec eux que s’ils déposent leurs armes. Il est à souhaiter que la résistance touarègue ne tombe pas une énième fois dans le piège qui lui sera tendu en signant des accords qui n’auront de but que le désarmement de la résistance et sa soumission !
Pour mieux comprendre la situation et notamment les positions du MNJ, nous avons rencontré Ahmed Akoli, Sécrétaire Politique de la cellule du MNJ en Europe, qui a bien voulu répondre à nos questions.

 

 


Ahmed Akoli




Tamazgha.fr : Comment se présente la situation après un an de conflit entre les combattants du MNJ et l’Etat nigérien ?

 

Ahmed Akoli : La situation au Niger n’est pas fameuse un après le déclenchement du conflit armé le 8 février 2007 au nord du pays. On constate un recul de la crédibilité de l’Etat dans sa capacité à assurer l’unité nationale. Cela s’ajoute à une multiplication des violations des droits fondamentaux des citoyens notamment l’égalité devant la loi quelle que soit l’origine ethnique. Cela se manifeste par une discrimination dans l’accès aux services de base assurés par l’Etat.

 

La situation au Nord du Niger a malheureusement conduit à des pertes en vies humaines et montre l’incapacité du pouvoir central à chercher des solutions aux problèmes politiques qui sont à l’origine de la naissance du soulèvement armée Le gouvernement a fait le choix de la répression qui se caractérise par une presse muselée, les emprisonnements arbitraires des civils déportés au sud comme aux temps coloniaux. Des populations sont terrorisées et déplacées sous la contrainte. Elles sont abandonnées à leur sort par une armée qui, au lieu de les protéger, n’hésite plus à perpétrer, parfois, des massacres.

 

Nous observons une volonté effrénée de l’Etat à faire monter le sentiment raciste contre les Touaregs Les détournements des deniers publics et les trafics en tout genre sont camouflés par des montages grossiers de pseudo désertions destinées à tromper l’opinion sur la réalité du problème. Le spectacle lamentable, devenu routinier, de la télévision nationale qui exhibe des pseudo combattants qui auraient répondu à l’appel du président de la république, constitue un aveu d’impuissance de l’Etat. Ces manœuvres sont destinées à promouvoir des individus qui sont reçus par le chef de l’Etat qui n’a visiblement rien de plus important à faire pour remplir son agenda.

 

Par ailleurs, les expropriations des terres du pastoralisme par la vente illégale et à la sauvette des permis d’exploitation continue pour soutenir l’effort de guerre qui engloutit des milliards de francs CFA, pour une guerre que les plus avertis estiment perdue d’avance. Ces milliards auraient du servir au développement de ces zones longtemps délaissées.

 

Sur le plan militaire, l’armée se contente de rester à la périphérie des villes, sur le plan politique, le régime reste dans son obstination à reconnaître qu’il y a un problème politique auquel il faut lui trouver une solution. Il reste dans un discours stérile qui à demander de déposer les armes après venir négocier ce qui est un non sens et une aberration et démontre la stratégie du pouvoir de gagner du temps et de leur permettre de prolonger leur mandat unilatéralement et ne pas organiser des les élections a temps. Les partis politiques, quant à eux, ils ont démissionné de leur rôle laissant ainsi le pays sombrer dans le chaos.

 

Pouvez-vous nous donner votre appréciation des accords de paix de 1995 ?

 

Les Accords de paix de 1995 pouvaient être une grande avancé de l’Etat du Niger si les dirigeants politiques les avaient appliquée de bonne foi. Leurs signataires du coté de la résistance semblent mitigé sur le degré de leur mise en application ils se sont fait entendre par les médias récemment. Les pays facilitateurs et médiateurs, sensés aider dans ce sens, ont démissionné de leur rôle car n’ayant pas mis en place une structure de suivi- évaluation fiable et des indicateurs d’objectifs pertinents et vérifiables, pour chacune des clauses. Ces accords ne sont pas satisfaits dans leur dimension politique qui constitue le socle de leur raison d’être. On fait le constat que l’Etat a volontairement continué de passer sous silence la question touchant au développement des ces régions nord oubliées à dessein.

 

Les réalisations d’infrastructure et la relance de l’économie de ces régions n’ont pas suivi. Leurs impacts sont très minimes, en dehors du recrutement de quelques ressortissants de ces régions, dans des corps militaires et paramilitaires, ce qui n’est que justice et un droit pour eux en tant que nigériens longtemps lésés même si cela irrite certains à tord qui oubli que ces Niger appartient a tous. Même dans ce secteur ce qui est donné d’une main par le pouvoir est repris de l’autre car le recrutement des ressortissants de ces régions ne se fait toujours pas de manière régulière comme cela se passe dans le reste du pays. Ce qui fait que les effectifs dans ces corps ne se renouvellent pas de manière représentative de la composition de la population nationale. Ce déséquilibre est visible dans les différents corps, les institutions et l’administration de l’Etat. En prenant exemple sur n’importe quel échantillon d’un secteur de l’Etat, on observe une sous représentation, voire l’absence de fonctionnaires issus des communautés du nord pays, ce qui est discriminatoire. Situation d’autant plus dommageable que le rôle de l’Etat demeure central dans la vie économique du pays

 

Ainsi, les éleveurs, les agriculteurs et les opérateurs économiques de ces communautés sont systématiquement exclus du compte. La promotion des acteurs économiques et sociaux n’est pas équitable, ce qui génère des injustices et des frustrations regrettables pour la cohésion nationale.

 

Tant que la question de cette marginalisation n’est pas traitée dans le fond, les crises reviendront de façon cyclique. En effet, ces problèmes ne peuvent pas être résolus par d’obscures commissions dont la composition et les missions n’ont rien à voir avec la problématique en question.

 

La mise en avant de l’angle sécuritaire ou d’un discours galvaudé sur l’unité nationale montre une volonté manifeste d’éluder les véritables questions et éviter ainsi de leur trouver des solutions durables. Il existe des manières constructives d’initier un dialogue tenant compte des questions qui se posent au pays et impliquant les acteurs concernés en premier chef et l’ensemble des institutions de l’Etat.

 

Le problème réside dans le flagrant déséquilibre entre les communautés des différentes régions dans la participation à la vie économique et politique du pays. Ces injustices ont pris racine dans le corps de l’Etat depuis l’indépendance du pays.

 

Une vision étriquée du problème par les responsables politiques du Niger les amène à considérer la population du nord qui est chez elle, comme facteur d’insécurité. Alors que l’Etat devrait jouer son rôle et permettre à ces populations de jouir de leurs droits les plus inaliénables et devenir des véritables citoyens

 

Cette population, même au prix de son sang. si elle n’est pas reconnue dans ses droits, ne se laissera jamais piétiner par la junte politico-militaire au pouvoir depuis de décennies ; celle-ci même qui a instauré un système de domination qui s’auto-reproduit et mue au gré des systèmes d’Etat de la dictature et de simulacres de démocratie.

 

Pour nous, créer les conditions d’un dialogue suppose l’arrêt de la logique de guerre qui consiste en la militarisation à outrance de la zone, l’état d’urgence, les discours racistes et les exactions commises sur les populations civiles.

 

Que pensez-vous de la position de la France dans ce conflit ?

 

Pour le moment, la France ne nous montre aucun signe tangible de sa volonté d’aider à la résolution de ce conflit. Au contraire, elle encourage régime de Tanja dans son aventure guerrière en lui mettant à disposition du matériel et des experts militaires. Nous déplorons vivement cette position car elle risque de compliquer davantage la situation en faisant de la France une partie prenante de ce conflit.

 

Il est vrai que des multinationales françaises exploitent l’uranium dans les régions nord Niger, dans des conditions qui ne tiennent pas compte de l’intérêt des populations et de la préservation de l’environnement. Pour nous, l’exploitation des richesses de ces zones ne pourra se faire de manière régulière tant que la question politique n’a pas trouvé une solution juste et durable. Solution qui passe par la prise en compte de nos revendications, partagées par la majorité des Nigériens.

 

Que pensez-vous de l’attitude des organisations internationales de droits de l’Homme comme Amnesty, la FIDH, Human Watch Rights,... devant la situation qui prévaut au nord Níger ?

 

C’est une attitude déplorable car ces organisations en partie essayent de ménager le pouvoir oppresseur du Niger afin d’avoir leurs entrées. Elles restent timides sur la dénonciation qui, pourtant, est un élément de prévention contre les extrémismes auxquels peuvent conduire les situations de guerre comme cela a été le cas sous certains cieux.

 

A titre d’exemple, ces organisations devaient dénoncer les sévices et traitements dégradants que fait subir le pouvoir en place au Niger à des citoyens innocents. Elles doivent demander avec insistance leur libération. Ces civils ont été fait prisonniers par leur propre pays du fait de leur appartenance ethnique touarègue d’abord ou du fait d’avoir consciencieusement fait leur métier de journaliste comme c’est le cas de Moussa Kaka journaliste de RFI. Ce dernier risque sa vie pour avoir dit la vérité sur le conflit du nord Niger au monde entier et chaque jour lui donne raison.

 

Quelle est la situation dans le maquis au sein des combattants du MNJ ?

 

Le Mouvement des Nigériens pour la Justice est une organisation de résistance contre l’injustice, structurée autour de ses revendications légitimes dont le contenu précis sera soumis au pouvoir actuel, dès lors qu’il comprendra qu’il n’y a pas d’issue autre que le dialogue.

 

C’est un mouvement qui démontre chaque jour son engagement à lutter pour l’amélioration des conditions de vie des Nigériens. Son action commence à être comprise et soutenue sur l’ensemble du territoire national. Aujourd’hui, le MNJ compte parmi ses rangs des officiers issus de l’armée nigérienne qui l’ont rejoint pour faire triompher la justice dans notre pays.

 

Grâce à l’esprit de discipline qui le caractérise, notre Mouvement a montré sa capacité à gérer les territoires qu’il contrôle, de manière responsable et efficace, ne permettant à aucun groupe de venir perturber la quiétude des populations civiles ou perpétrer des actes de banditisme dans la région. Cette maturité d’esprit est en chacun des combattants du Mouvement. Cela contraste avec les pratiques criminelles et antinationales auxquelles se livre l’armée sous les ordres du pouvoir actuel.

 

Votre mouvement a-t-il déjà eu des contacts avec l’Etat du Niger ?

 

Un pays, ami du Niger et préoccupé par les risques d’enlisement du conflit, a effectivement aidé à l’amorce d’un premier contact auquel les autorités nigériennes n’ont pas souhaité donner suite, privilégiant la voie militaire, malgré ses déboires sur le terrain. Le gouvernement nigérien reste sourd aux offres de certains pays de la sous région qui proposent leurs bons offices, pour arriver à une solution acceptable par toutes les parties. Notre Mouvement reste toujours sur sa position de départ qui est celle du dialogue, comme manière d’arriver à une paix juste et durable. Il va de soi que cette position de principe est assortie d’une vigilance inébranlable du MNJ quant à la sincérité des autorités nigériennes dans leurs démarches en vue de trouver une solution à ce conflit même si certain homme politique prône le pourrissement de la situation comme.

 

A la lumière du sort qui a été réservé aux différents accords signés par le passé, nous pensons qu’une garantie internationale plus affirmée sera nécessaire pour assurer le suivi d’éventuels accords. Il appartiendra aux parties en conflit de mettre en place un mécanisme pouvant conduire à une application effective de ces accords dans l’intérêt du pays.

 

Vous parlez de "paix juste et durable". Que signifie cela ?

 

Le Niger a raté un tournant important dans son Histoire, avec la conférence nationale qui avait pourtant permis de mettre en lumière des injustices du système politique nigérien des décennies durant vis-à-vis de certaines communautés meurtries, mais sans pour autant les régler. Devant ces contradictions et la démission de la classe politique, est née la première résistance suite à laquelle, à nouveau, des accords de paix signés n’ont pas été respectés. Cela met en évidence le refus du pouvoir à solder cette question, fondamentale pour une partie de la nation dont la conduite irresponsable qui a pour conséquence la résistance armée actuelle.

 

Tant qu’une solution juste et durable ne sera pas trouvée, les ferments de crises latentes subsisteront inéluctablement, nourris de ces incompréhensions et de ces injustices. En ayant occulté cette réalité, la classe dirigeante a maintenu le pays dans un cercle vicieux dont on pouvait faire l’économie, en réglant définitivement le problème du déséquilibre socio-économique entre les régions et la marginalisation de certaines communautés dans l’exercice politique du pouvoir.

 

Une solution juste et durable au conflit, qui nous oppose à l’Etat nigérien, suppose l’implication de tous les acteurs (élus, société civile, autorités coutumières, hommes de science, personnes ressource…) dans un sursaut national. Aider au processus de recherche de la paix dans une telle situation nécessite de l’objectivité, un langage de vérité, sans tabous ni démagogie et cela demande un dépassement de soi au service de notre pays.

 

Comment, à votre avis, réaliser un tel projet avec un régime illégitime, raciste et corrompu ? Et pensez-vous que ce régime puisse changer du jour au lendemain et que l’on puisse, objectivement, lui faire confiance ?

 

Ce régime a démontré à plusieurs reprises sa tendance à étouffer les aspirations de notre peuple d’accéder à une justice sociale et ce malgré résistances à cette oppression. Le rapport de force est aussi une donne qui permet aux uns et aux autres d’amender leur position de savoir le juste milieu.

 

Nous savons que seule la lutte libère, quand on s’évertue à pousser l’autre à comprendre qu’il vous cause du tort peut être s’il y a de bonne foie et qu’il le fait par ignorance, il s’en rendra compte un jour.

 

Le dialogue franc est sincère vient au bout de la détermination même des plus radicaux et initiale. Nous sommes convaincus de notre lutte et espérons qu’elle soit porteuse d’espoir pour notre peuple.

 

Le MNJ vient de libérer 25 otages de l’armée nigérienne. Dans un communiqué, votre Mouvement dit avoir confié les otages, je cite, au "Guide Suprême de la Révolution Libyenne Son Excellence Mouamar Khadafi qui a toujours été un partenaire du dialogue et de la paix en Afrique". Votre Mouvement est-il vraiment sérieux en affirmant que le dictateur de Tripoli est un partenaire de la Paix en Afrique ?

 

Pour nous, Kadhaffi essaye de faire en sorte que ce conflit soit réglé de manière pacifique et c’est dans ce cadre qu’il a servi de relais pour la remise de 25 prisonniers au pouvoir du Niger. Au regard de ce qui précède et du mandat que lui ont confiés ses paires présidents africains membres de la CEN-SAD. Nous faisons le constat que cette organisation à travers son président cherche à dénouer une situation qui est aussi à ses portes. Il œuvre dans le sens du rapprochement des deux parties en conflit au Niger, dans ce cadre, nous ne faisons que saluer sa démarche de recherche de paix.

 

Qu’attendez-vous des Imazighen du Nord et ceux de diaspora notamment en Europe ?

 

Nous attendons des Imazighens qu’ils se mobilisent et nous apportent leur solidarité fraternelle en ce moment difficile que nous traversons. La situation de négation de droit à laquelle nous sommes confrontée n’est pas nouvelle, mais nous sommes déterminés à nous battre pour nous faire entendre et conquérir nos droits légitimes. Nous remercions sincèrement les militants de l’Association Tamazgha qui nous ont apportés leur soutien par leur mobilisation autour de notre cause.

 
Propos recueillis par Masin Ferkal.
sur Tamazgha

 

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