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occitan-touareg

Mali - La réalité au Mali telle que je la perçois, par Dialla Konate

26 Mai 2012 , Rédigé par Pellet Jean-Marc Publié dans #Dialla Konate

DiBonjour,

certains amis me disent : "tu n'écris plus rien sur le Mali ?"...

c'est vrai que je "regarde et constate" à travers la presse et les forums les analyses opposées, et je ne peux que "attendre".

Je vous donne donc à lire un long texte de mon ami Dialla Konate,  avec qui, rappelons le, je ne partage pas toutes les idées et analyses, mais Dialla fait partie de ces intellectuels que je considère comme honnêtes.

Notre différent sur "l'intangibilité des frontières" ne nous empêche pas de partager la même analyse sur les réalités sociaux-économiques du Mali et en particulier cette gangrène qui se dénomme -corruption généralisée-.

Pellet Jean-Marc

                                   ****************

 

La réalité au Mali telle que je la perçois: la demande pour le changement
Au Mali, 90% des dossiers en justice concernent les problèmes fonciers.

Les pères de famille, les paysans qui se sont trouvés expropriés de leurs terres réclament le changement.
 Les ouvriers qui creusent les tranchées d'assainissement sur le nouveau "Attbougou" sur la route de Segou sont des diplômés de l'Université de Bamako nantis d'une maîtrise et même d'un master pour certains. Ils demandent le changement. Ils creusent, dos courbé au soleil, pour assainir des maisons ayant été distribuées souvent à des jeunes ayant abandonné l'école et qui ont été envoyés en Europe, en Amérique et qui en revenant se sont vus offrir des maisons construites, des terrains à bâtir, etc... Certains se voient offrir des contrats d'exclusivité par l'Etat, de façon dérogatoire.
 J'ai conduit, l'autre week-end mon jeune frère se coiffer dans la cabane de tôle construite par un jeune sortant de la Fsjp qui s'est installé comme coiffeur. Ses biens sont une tondeuse , 2 rasoirs et un bout de savon. Le terrain sur lequel il a bâti sa cabane appartenait à son grand père, M. Diallo qui a été assassiné il y a 18 mois par des voleurs de son age qui avaient emporté de l'argent de poche et une mobylette.  Ce jeune Diallo, juriste diplômé, coiffeur autodidacte était en larme. Un huissier était venu lui donner quelques jours de préavis pour l'expulser de ces lieux au nom d'un haut fonctionnaire détenant "un TF" (titre foncier) lui accordant la propriété des lieux. On me dit qu'il existe, à Bamako seulement, plus de 25.000 faux titres fonciers délivrés par des autorités compétentes octroyant des terres occupées par des familles depuis au moins un siècle et détenant des titres de propriétés dont le plus ancien que j'ai vu date de 1947.
 Des réseaux existent grâce auxquels des cadres se font octroyer des faux titres de dettes sur le Mali, par exemple de 100millions Cfa. Contre ces titres, ils  "acceptent" un "arrangement" par le quel is acceptent de se faire payer en nature pour 50millions consistant en un domaine bâti dans une des cités appartenant à des agences contrôlées par le gouvernement.
 Je peux continuer sur des pages et des pages. Tous ceux qui sont de vrais patriotes maliens et honnêtes qui sont victimes ou témoins de tels comportements exigent le changement.
 
 Oui je demande à Mamy Soumare qui est ici a Bamako de venir me dire en face, dans un débat public, que ces malfaiteurs ont raison et que demander la justice sociale consiste à créer le chaos dans notre pays. Je demande à Kalifa Goita de me dire en face comme il l'a promis que le malfaiteur c'est moi et ceux qui refusent la corruption dans notre pays.  
 
 Lorsque nous avons appelé les assises nationales de la convention nationale pour le changement nous n'étions pas certains de rassembler suffisamment de personnes tant les maliens, même en colère, semblent tétanisés par le malheur qui les accable. Et le peuple est sorti. Beaucoup de ceux qui veulent le changement sont venus: enseignants, commerçants détaillants, chauffeurs de taxi, jeunes sans emploi, citoyens injustement frappés par la justice ou/et l'administration. Plus les gens voyaient la marche plus ils sortaient des transports publics pour se joindre à la masse.
 
 Comment une poignée d'individus puissent oser l'impertinence de venir insulter ces maliens qui réclament de la justice dans le partage des ressources nationales et du bien être.
 
 L'itinéraire de la marche et l'agression contre Dioncounda
La marche d'avant-hier, totalement improvisée, a eu lieu sur environ 2 km, de la salle principale du Cicb au bâtiment principal de la primature au bord du fleuve dans le nouveau quartier administratif. En y arrivant nous étions 3 personnes en tête, le Secrétaire général Hamadoun Amion Guindo de la Confédération syndicale CSTM, le Professeur Rokia Sanogo du parti Sadi et moi, de la Cpm. Les 3 cordons de police et de gendarmerie n'ont pu arrêter le flot de la foule. Nous avons dit aux marcheurs que nous ne voulions même pas une fleur arrachée à plus forte raison une vitre cassée. C'est ce qui s'est passé.
 
 A cet instant précis, j'ignore comment, quand, qui, a pu aller a Koulouba, a 20km de notre marche, sur la colline au nord de Bamako  affronter la garde présidentielle. Les assaillants auraient agressé Dioncounda dans son bureau dans le but de le tuer. Il y a un point que je ne comprends pas. Je me demande comment Dioncounda, a pu se tirer des griffes d'une bande de tueurs déchaînés, ayant fait 20 km pour accomplir cette tache, juste avec une égratignure au poignet et une autre au front?
 
 Et voila que de bonnes âmes , la bouche tordue et l'oeil mauvais se regardant le nombril accusent gratuitement des personnes protestant contre la misère qui leur est imposée d'être commanditaire de l'acte odieux de l'agression contre Dioncounda. Une simple intrusion dans son bureau serait inacceptable et condamnable.
 
 Le Nord et le réveil de l'armée
Chères soeurs et frères patriotes à l'opposé de ce que disent de malheureux scribes d'occasion, je vais dire que les militaires véritables s'étant engagés pour défendre la patrie reçoivent 8500Cfa par mois pour frais de front. Cela inclus le manger, le boire, et tout autre frais. Les bénéficiaires de ces sommes sont moins de 30% de l'armée et sont sollicités pour sauver notre pays. Les 70% et plus sont des enfants et des protégés de hauts responsables politiques, de l'armée et de l'administration.
 
 Depuis un mois un langage d'encouragement est tenu aux jeunes militaires. Ils acceptent désormais d'aller au front. Conséquence: il y a 48h a eu lieu la première bataille et la première victoire sur l'armée rebelle depuis longtemps. La bataille a eu lieu a Koro attaquée par 4 véhicules militaires ennemis. L'ennemi a perdu 7 hommes au moins. Pour une fois depuis des mois, ce sont les rebelles qui se sont enfuis. Qui en a parle ? Rfi ? France24 ? Tv5 ? l'Ortm ? Autant j'ai noté que mon jeune frère a tenu son rôle de nous faire partager un article faisant état de cette victoire de renaissance, sur le terrain. Tant et tant de gens qui reprenaient et commentaient a satiété les rapports de défaite de l'armée malienne sont restés muets ou plutôt certains ont préférer insulter des patriotes maliens.
 Sur ce je voudrais demander a mon jeune frère Seydou Fad , puisqu'il est a Bamako, de venir me dire dans les yeux que je fais parti des manipulateurs qui profitent des malheurs des populations du Nord.
 
 La fin de la convention nationale
Pour finir je voudrais vous relater un incident. La clôture de la convention a été houleuse un instant. Les "anciens" ne voulaient pas que la convention créent une situation de fait en désignant un président de la Transition. Les jeunes l'ont exigé. Les jeunes ne croient plus aux dirigeants et aux intellectuels.  Ils veulent croire aux militaires et au Capitaine Sanogo qui ont levé de leur tête le poids du pouvoir d'Etat corrompu. Ce sont ces jeunes qui ont exigé, sous peine de ne laisser sortir personne de la salle, de choisir Sanogo immédiatement et de le diffuser. Je ne suis pas entrain de dire que les moins jeunes ne le souhaitaient pas , je suis entrain de relater un incident. Cet incident signifie que ceux qui racontent que les jeunes sont manipulés par les responsables de la convention sont loin de la vérité. Qu'ils viennent, s'ils sont courageux, rencontrer ces jeunes et alors ils verront.
 Ouvrons les yeux, la violence fait partie de la société malienne et cela depuis au moins 1991. Il appartient aux patriotes de bonne volonté de travailler avec les déshérités afin de mettre cette violence sous contrôle.
 
 Le Premier Ministre et son gouvernement
Dès l'annonce officielle de la nomination du PM j'ai dit et écrit mon soutien a lui. La Cpm aussi.  Lorsqu'il a formé son gouvernement, j'ai exprimé des réserves. Lorsqu'il a annoncé les nominations auprès de lui, j'ai dit que je ne donnais pas mon soutien à cet attelage. J'ai longuement expliqué pourquoi. Je n'ai pas changé.  J'ai dit aussi les raisons qui ont fait que j'ai refusé d'accepter les charges de PM à l'étranger (Ouagadougou).
 Le gouvernement n'est pas condamné à l'échec, il ne le sera à mon appréciation que si le PM persiste dans son schéma actuel de construire le pouvoir sur une frange de la population qui ne représente en aucun cas, de mon point de vue, le changement. A lui de faire ses choix et le reste en sera la conséquence.
 Je continu à penser et à dire que le retard du gouvernement à prendre certaines mesures urgentes rendrons sa taches extrêmement difficile voire impossible à maîtriser sur la période de la transition.
 
 Je ne cherche à convaincre personne. Je dis notre pays et le climat social tels que je les vois. Que nous le comprenions ou non, la population malienne telle que je la vois souffrir n'acceptera pas que la Cedeao vienne lui imposer des méthodes, des règles et des personnes qui ne représentent le changement. Parole du peuple: ce changement se fera malgré des voix  d'individus prétentieux qui savent tout, y compris les agresseurs du Professeur Dioncounda Traore, mais ignorant les affres que vivent les maliens au Mali. Mais ce changement inévitable n'altérera pas la volonté inébranlable des maliens de toute région de libérer toute parcelle de notre pays. Ceux qui veulent jouer les héros  en faisant croire que le Nord Mali est leur propriété personnelle se trompent. Le Mali appartient à tous les maliens. Cela ne date pas d'aujourd'hui et ne prendra pas fin à leurs pieds.
 A tous ceux qui ont insulté les patriotes maliens, je leur demande de venir devant une assemblée de jeunes à Bamako dire qu'au fond puisque des malhonnêtes les ont gouvernés et spoliés durant tant d'années, alors 360 de plus ou de moins ne fera aucune différence.


( suite ) sur les données de fond de la scène politique.
 
 Les divisions entre les forces en présence
Contrairement à ce que pensent beaucoup il n'y a pas que 2 forces en présence, d'un cote les putschistes, méchants et aigris rassemblés dans MP22 ou la Copam et les agressés et victimes d'un infâme coup d'Etat que seraient les gens du Fdr. Je vais vous surprendre, à mon avis, il y a dans MP22 et la Copam des gens qui sont plus proches du statu quo que certaines personnes du Fdr. De même il y a au sein du Fdr des gens plus compréhensibles vis a vis du putch que des gens de Mp22 ou de la Copam.
 Il y a deux facteurs de division: (1) la nécessité du changement de la vie publique nationale pour donner plus d'espoir aux citoyens, (2) la nécessité de définir, d'installer et de légitimer les structures de la Transition.
 
 Existe t-il un dialogue entre les acteurs
Oui dans une large mesure. Moi même, au nom de la Cpm je n'ai jamais rompu le dialogue avec les groupes et les personnalités influentes des différents groupes en présence: Adema, Psp, Parena, Rpm, Cnid, Cnas, Hci, associations diverses. La Cpm comme la plupart des composantes de Mp22 et de la Copam a gardé son autonomie et sa personnalité.
 Ces dialogues ont ils des conséquences positives ? Oui même si elles ne sont pas visibles de tous. Existe t-il une chance de collaboration entre le Fdr et la Copam? Je ne sais pas même si , bien entendu , je le souhaite et que la Cpm et moi même pratiquons une telle concertation en permanence. Pourquoi ? Parce qu'au Mali quoique chacun et tous parlent de démocratie et de république, très, très peu de personnes ont un comportement conforme aux valeurs de la démocratie et de la république. On devrait se retrouver comme on a fini à le faire à Ouaga et sur chacune des questions importantes du moment: (a) le problème du nord, (b) la famine et l'insécurité  économique, (c) les structures de la Transition et le mode de mise en place, (d) la portée, le contenu du changement ; la solution est offerte par la démocratie : il s'agit de rassembler les différentes propositions de solution, nous réunir avec toutes les forces représentatives (des critères de désignation existent) et ensuite voter pour choisir les solutions à appliquer. C'est le point de vue officiel de la Cpm que nous essayons de populariser auprès de nos partenaires et aussi des autres.
 Pourquoi les dialogues n'aboutissent pas ? Parce qu'en réalité très peu de positions sont vraiment politique au sens de se mettre ensemble pour rechercher des vraies solutions aux problèmes du pays. Les individus et les groupes restent dans la pratique à la recherche de l'intérêt personnel. Dans ce cas très peu de personnes disent honnêtement ce qu'elles pensent. On discute sur des fausses hypothèses et certains individus et groupes finissent toujours par choisir le privilège distribué la nuit sous la table que des solutions réelle dans la lumière du jour. Ceci étant dit et pour être juste, nous devons reconnaître, saluer, les patriotes et personnes de valeur dans chaque camp et défendant, de bonne foi, des opinions différentes sur la base d'expériences différentes de choix politiques et philosophiques différents.
 
 Notre communauté et nos réseaux devraient rester les lieux où il est possible de converser dans la diversité des opinions mais de bonne foi. Soyons conscients que, même ici, nul ne pourra empêcher tel ou tel de jouer le role du perturbateur de service ou du "plus fier des soldats" prouvant que lui peut tenir tête à tel ou tel et même d'appeler , avec une véhémence mais avec irresponsabilité, d'appeler le gouvernement à servir contre des maliens exprimant des opinions différentes. Attention au danger. Le fascisme et l'encadrement policier de la société débutent par l'arrogance de quelques uns. Seule la vérité résiste au temps. L'important est le Mali et le pays a 2 priorités: (1) le problème de l'occupation du Nord du pays, (2) la famine et la pauvreté qui sévit partout dans le pays avec une gravite exceptionnelle au dessus d'une ligne traversant le Mali et passant par Koulikoro et Segou. Mais, comme le montre semaine après semaine la carte satellitaire établie par les services américains compétents, cette ligne descend lentement mais progressivement vers le sud. Il y a à la date d'aujourd'hui, selon les données satellitaires confirmées par les recueils sur le terrain par le Pam, l'Ocha, le Cilss, le Sap, environ 350.000 maliens en dangers directs dont les réfugies et les déplacés du Nord. On considère comme catastrophe d'envergure exceptionnelle un danger qui menace la vie de 2% a 3% de la population. Au Mali on est actuellement à 2,5% avec une tendance à l'aggravation.
 
 Pour finir je réponds à l'opinion demandant à ce que le malien change afin de changer son leadership. Cette vision est contraire à ce que j'ai appris en science. C'est le leadership qui pense et installe le changement même s'il est ressentie et sollicité par le peuple. Une fois le changement installé, on le rend permanent grâce aux structures sociales de conservation de la société au premier rang desquelles la cellule familiale, l'école et incluant l'armée. La société entière ne pourra être vraiment gardienne d'elle même que si nous changeons et rebâtissons la cellule familiale, l'école et l'armée.
 
Restons mobilisés. Bon débat.

Dialla Konate

<dkonate@vt.edu> 

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