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occitan-touareg

Niger - à propos de la décentralisation - région de Zinder

20 Juin 2012 , Rédigé par Pellet Jean-Marc

"J'invite par ailleurs les conseillers municipaux et la population à croire à la décentralisation qui est complément indispensable à la démocratie, un ingrédient nécessaire pour assurer l'efficacité même de l'Etat. L'Etat ne peut pas tout faire, il est obligé de se contenter de ses rôles régaliens. Le reste, à savoir les questions économiques, sociales et culturelles doivent être progressivement cédées aux régions et aux communes de façon à ce que la population puisse s'autogérer". Moutari Ousmane.

 

M. MOUTARI OUSMANE, PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL DE ZINDER

"Les conseillers municipaux et la population doivent croire à la décentralisation"

Moutari Ousmane est un homme d'expérience, qui a occupé des postes de responsabilités aussi bien au Niger que sur le plan international. Il a débuté sa carrière au ministère des Affaires étrangères où il a servi des années durant. Il est par la suite nommé directeur de cabinet du Secrétaire général de l'Organisation de la conférence islamique, puis représentant personnel du Secrétaire général de la même organisation auprès du roi Hassan II du Maroc. Il a été aussi Ambassadeur permanent du Niger aux Nations Unies, avant de diriger un bureau d'études en investissements internationaux à New York, aux USA. Depuis les élections locales de juin 2011, il est le président du Conseil régional de Zinder.

   Transparence : Qu'est-ce qui a poussé le fonctionnaire international que vous êtes à entrer en politique ?

   Moutari Ousmane : Le premier motif, c'est l'amour profond que j'ai pour cette région de Zinder. Une région qui m'a tout donné dans la mesure où ce sont les femmes et les hommes de cette région qui ont littéralement cotisé pour me permettre d'aller à l'école, pour me permettre d'aller un peu partout à travers le monde. Je crois qu'ils sont très rares les nigériens qui ont eu la même chance que moi. J'ai étudié de l'école primaire à l'Université aux frais de l'Etat, j'ai occupé des postes de responsabilité un peu partout dans le monde au nom du Niger (Allemagne, Union Soviétique, Arabie Saoudite, Etats Unis…). Il est donc tout à fait normal que je revienne au pays rendre ce que j'ai reçu de cette région. Il y a donc le souci de donner en retour ce que cette région m'a donné.

Quel est le niveau d'avancement de la décentralisation dans votre région actuellement ?

La décentralisation dans cette région a deux paliers. Le premier palier, celui des communes, est à sa deuxième phase. Ça avance lentement mais sûrement. Pour le second palier, celui régional où nous sommes à notre première année d'expérience, il faut dire que les choses trainent. L'Etat a consenti un certain nombre d'efforts financiers pour l'installation des régions en tant que collectivités décentralisées, mais jusqu'à présent il y a encore beaucoup de textes réglementaires et législatifs à mettre en application pour permettre l'exercice de l'autonomie administrative et financière de la région. Ensuite, même le Code général des collectivités territoriales qui définit le cadre dans lequel les régions vont évoluer et qui définit également les rapports que ces régions doivent avoir avec les acteurs, même ce Code qui est d'une importance indéniable n'est pas encore été pris. Au niveau régional aussi, il y a des résistances qui doivent être aplanies avant que la région en tant que collectivité décentralisée connaisse un début d'existence effective.

Alors qu'est-ce que l'Etat et les autres acteurs, qui interviennent dans la décentralisation, doivent faire et que peuvent faire les élus locaux et la population de Zinder pour palier ces difficultés que vous venez d'évoquer?

Commençons d'abord par l'Etat. Il faut qu'il mette en place tout le dispositif juridique nécessaire pour permettre l'existence des régions en tant que collectivités décentralisées. Parce que, lorsqu'on parle d'autonomie économique et financière, c'est pour permettre aux régions d'élaborer elles-mêmes leur budget. Et pour que ce budget puisse voir le jour, il faut que la nomenclature qui a été élaborée l'année d'avant par le gouvernement soit accompagnée des textes réglementaires prévus en vue de leur application. Deuxièmement, il faut que le Code général des impôts soit adopté pour permettre à la région de lever ses propres taxes et de connaître les impôts rétrocédés par l'Etat à la commune. Une autre tâche qui incombe à l'Etat, c'est celle de peser de tout son poids pour que les représentants de l'Etat au niveau des régions acceptent cette nouvelle donne qu'est la régionalisation. Il faut qu'ils acceptent la région en tant que collectivité décentralisée et en tant qu'acteur nouveau qui a sa place au niveau de l'échiquier institutionnel national. S'agissant des conseillers régionaux, ce qui leur incombe, c'est de prendre véritablement au sérieux leur tâche, en poussant l'Etat à tenir régulièrement des sessions, d'assurer la publicité des actes et d'assurer le suivi des recommandations et délibérations du conseil. Vous avez parlé tantôt de budgets propres aux communes.

Est ce à dire qu'il y a à ce jour des communes qui n'ont pas élaboré leur propre budget et qui n'ont pas leur propre PDC ?

Disons que la plupart des communes ont leur propre budget même si dans la réalité elles n'ont pas l'argent parce que les recettes tardent à rentrer. Mais la plupart des communes ont leur PDC et à ma connaissance il y a seulement une ou deux dans la région de Zinder qui n'en ont pas. Mais il faut dire aussi que les huit régions du Niger n'ont pas encore leur budget actuellement. Ces régions ont reçu une dotation annuelle de l'Etat. Pour le cas de la région de Zinder, nous avons reçu une dotation de fonctionnement d'environ 160 millions et une dotation de logistique de 57 millions de francs CFA. C'est avec ces dotations là que l'Etat voudrait que nous fonctionnions jusqu'au moment où l'arsenal juridique nécessaire sera mis en place pour nous permettre d'élaborer nous-mêmes notre budget, qui corresponde aux priorités que nous avons pour cette région. Mais pour le moment nous travaillons avec la dotation annuelle de l'Etat.

Qu'en est-il alors de l'appui technique de l'Etat pour les communes. Est-ce que cet appui est effectif au niveau de Zinder et combien de communes en bénéficient ?

Nous avons 50 communes dans la région de Zinder et 5 arrondissements communaux qui se trouvent au niveau de la ville même de Zinder. Théoriquement, l'Etat doit assurer deux rôles au niveau des communes et des régions. Un rôle de contrôle de la légalité des actes qui sont pris par les communes et par la région et un rôle d'appui technique des conseils au sein de ces mêmes entités. Pour le rôle de conseil technique, normalement l'Etat ou sa représentation au niveau du service déconcentré de l'Etat (gouvernorat, préfecture) doivent mettre à la disposition de ces entités des techniciens pour accomplir telle ou telle tâche. Mais dans la réalité, ces services de l'Etat euxmêmes sont sous-équipés en termes de ressources humaines. En plus, pour ce qui concerne la région, nous attendons toujours les textes qui définissent les conditions dans lesquelles cet appui technique de l'Etat doit se faire. C'est donc une lacune qui reste à combler.

Sur le plan économique, la région de Zinder abrite depuis quelque temps une raffinerie de pétrole. Quels sont, à votre avis, les avantages et les inconvénients liés à cette raffinerie ?

La raffinerie de Zinder est incontestablement une nouvelle source de revenus pour les communes environnantes et pour la région. Dans un premier temps, le fait qu'il y ait un afflux de camions citernes et d'étrangers amène nécessairement un impact positif du point de vue commercial. Mais il faut voir aussi ce qu'on appelle les externalités négatives. Parce qu'en général, ce sont des célibataires qui conduisent ces camions. Il y a donc des risques liés au VIH Sida. Il y a aussi des risques liés au transport même des produits qui sont inflammables. Ce sont de véritables bombes en mouvement qu'il faut gérer. Donc il y a des avantages mais aussi des risques. Mais il y aura bientôt dans un avenir que nous espérons proche des retombées directes en termes de revenus tirés du pétrole, dont une partie sera rétrocédée aux communes environnantes et à la région. A ce niveau, il y a deux problèmes à régler. Le premier, c'est de prendre toutes les dispositions pour un partage équitable entre la région où le pétrole est extrait et celle où il est raffiné, pour que chacun trouve ses intérêts et pour qu'il n'y ait pas de frictions. Au niveau de Zinder, nous pensons que l'héritage que nous avons avec Diffa (aux plans culturel et historique), est de loin plus important que la manne du pétrole. Donc nous allons tout mettre en oeuvre pour que ce pétrole ne constitue pas une pomme de discorde entre les deux régions. Nous travaillons en étroite collaboration avec nos collègues de Diffa pour que les choses soient gérées pour le bien de tous. Il y a aussi le problème d'eau à Zinder et d'aucuns mettent en cause la raffinerie.

Comment résoudre ce problème lorsqu'on sait que la raffinerie consomme beaucoup d'eau ?

 Il faut dire deux choses. Premièrement, la question du problème d'eau à Zinder n'est pas liée à la raffinerie. Ceux qui font ce procès à la SORAZ lui font un faux procès. Le problème d'eau à Zinder existait avant la raffinerie et va exister après la raffinerie si des mesures adéquates ne sont pas prises. Il y a des mesures d'urgence et des mesures à moyen et long termes. Pour les mesures d'urgence, nous, en tant que responsables de la région, en collaboration avec le Maire de ville et celui de Oléléoua, en collaboration aussi avec les représentants de l'Etat au niveau de la région, nous devons discuter des mesures à prendre d'ici mars 2013. Car à la fin du mois de mars de chaque année, ce problème refait surface. Il faut donc des mesures pour les quatre à cinq années à venir. Deuxièmement, il faut avoir un contrat avec la SORAZ qui extrait son eau à Ganaram, qui a la capacité d'extraire 10.000 m3 d'eau alors qu'elle n'en consomme que 4000. Il y a donc la possibilité pour que l'excédent soit balancé à Aroungouza de façon à amener un complément au niveau de la ville de Zinder. Ce qui va nous permettre d'avoir les 15.000 m3 d'eau par jour dont nous avons besoin. C'est vrai que ça ne suffira pas parce que la population s'accroit, avec en plus le pétrole qui va attirer d'autres personnes encore. Il faut donc régler définitivement ce problème d'eau. Nous savons que le gouvernement est déjà en train de penser à cette question. Nous savons qu'une enveloppe de 20 milliards 500 millions de francs sera dégagée pour permettre cette jonction entre la source d'eau de Ganaram et celle de Aroungouza, pour qu'on ait un répit d'ici 2025. Que faites-vous aujourd'hui pour que la loi portant rétrocession des revenus miniers aux communes soit rapidement révisée afin de permettre aux régions de Zinder et Diffa de bénéficier des retombées du pétrole ?

Nous avons cru comprendre qu'il y a eu des pressions et des agitations au niveau de l'Assemblée nationale, qui ont bloqué la révision de cette loi. Nous savons aussi qu'au niveau du cabinet du Premier ministre, il y a un comité qui est en train de réfléchir sur la question. Notre souhait est que le gouvernement élargisse le cadre de réflexion, de façon à trouver une solution de consensus. Parler de 15% ou 20% n'a pas vraiment grand sens si on ne sait pas c'est 20% de quoi ? Est-ce 20% de tout le pétrole extrait et quand est-ce que ça rentre en vigueur ? Est-ce dans l'immédiat ou seulement après la construction du pipeline et sur quelle base ? Sur toutes ces questions, il faut à mon avis une large consultation. J'invite par ailleurs les conseillers municipaux et la population à croire à la décentralisation qui est complément indispensable à la démocratie, un ingrédient nécessaire pour assurer l'efficacité même de l'Etat. L'Etat ne peut pas tout faire, il est obligé de se contenter de ses rôles régaliens. Le reste, à savoir les questions économiques, sociales et culturelles doivent être progressivement cédées aux régions et aux communes de façon à ce que la population puisse s'autogérer. Ce qui est dans l'intérêt de tout le monde. Car l'Etat sera alors moins acculé avec des grèves et des débrayages. Pour finir, je dirai que la décentralisation est donc le maillon manquant du développement tout court.

Propos recueillis par Naomi Binta Stansly (Depuis Zinder)

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