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occitan-touareg

Bamako/MALI, par le professeur Dialla KONATE

7 Novembre 2009 , Rédigé par Papadoc Publié dans #TRIBUNE LIBRE

Je vous présente le deuxième texte du professeur Dialla Konate suite à son séjour en octobre 2009 à Bamako.

J'avais publié un texte sur son séjour en août 2009 :

"Le Mali tel qu’il m’est apparu de Bamako en août 2009"


A quoi mon récent voyage au Mali retourne t-il?

Je vais dans cette relation des réflexions qui me sont venues de mon récent séjour à Bamako, débuter par les thèmes ayant suscité en moi des déceptions.

Les Etats généraux sur la Corruption et la Délinquance Financière.

Il est pour moi une grande désolation de constater que, pratiquement un an jour pour jour après la tenue des Etats Généraux sur la Corruption et la Délinquance Financière, que pèse un lourd silence sur les recommandations de ces assises. Parce que nous y avons mis une grande foi, parce que nous avons amené de nombreux compatriotes à y croire que nous avons l’obligation morale de ne pas laisser oublier le travail qui fut accompli avec ardeur et application sous la direction alerte et appréciée du Président Modibo Keita Jr. Il nous faut susciter le débat afin que ce travail ne soit catalogué au chapitre des pertes pures. Mon Dieu ! Que la corruption, au Mali, a prospéré en un an. Les malfaiteurs n’ont ni honte ni peur. Durant mon séjour, nombre de promoteurs d’écoles sont venus me dire qu’ils sont rançonnés pour recevoir des élèves nouveaux. Ils sont rançonnés pour voir leurs étudiants sur la liste des admis aux examens. Bien entendu, je n’ai d’autres preuves que ces confessions-plaintes. Le moins que le gouvernement peut faire est de diligenter des inspections et, le cas échéant, appliquer des sanctions exemplaires.

Avant de quitter Bamako il m’est parvenu l’information selon laquelle le gouvernement s’apprêterait à donner satisfaction à la demande des magistrats relative au paiement d’une prime dite de « judicature ». Je rappelle mon opposition au paiement d’une telle prime qui renforce l’existence dans la fonction publique de statuts particuliers. Ceci est antirépublicain. La république encourage le mérite et l’excellence. Personne ne peut me convaincre que payer la même prime a tous les magistrats encourage ceux qui parmi eux, il en existe dans toutes les régions du pays, sont éminemment méritants. En république, a mon avis, le corps de métier le plus important est celui de la magistrature, même avant celui des enseignants, même avant celui du corps médical. En raison même de cette importance, lorsque le jour sera venu, les républicains et démocrates devront débuter la lutte contre la corruption par des mesures d’une extrême sévérité pour assainir et rectifier la magistrature.


L’affaire dite de la BHM :

Je me suis appliqué durant les mois passés, en m’appuyant sur l’honneur et sur ce que je sais, à montrer à l’opinion et à ceux qui sont en situation de décider en ultime ressort que cette affaire était devenue un cancer. Je crois plus que jamais que dans l’intérêt de notre pays et pour le triomphe du bon sens, ce problème doit être traité dans sa simplicité originelle. En extension de ce malheureux problème, j’ai le grand déplaisir de constater que dans notre pays et a cette heure, en dehors de toute légalité, deux hommes sont en prison. Il s’agit de Mamadou Diawara, ancien PDG de la BHM et aussi le Lieutenant Sékou Doumbia, ancien Régisseur de la Prison de Ségou. Encore une fois, je ne dit pas et n’ai jamais dit que ces hommes et les autres n’ont jamais commis aucune faute. Je dis qu’aucune preuve n’a été apportée pour justifier ni l’emprisonnement de ces hommes ni leur maintient en prison. J’ai rencontré la famille du Lieutenant Doumbia. Une famille dévastée, vivant désormais de rien, les enfants éparpillés. J’ai vu Mme Doumbia. J’ai vu la mère du Lieutenant Doumbia. Ces personnes humbles, sans pouvoir, sont anéanties et humiliées par l’injustice et aussi par le coupable silence de nous tous.


L’affaire de la BHM est aussi devenue une affaire internationale que l’Allemagne considère comme une gifle qu’elle reçoit en plein visage. Je ne vais pas m’étendre sur cela car ceux qui se sentent offensés ont des griffes et des dents pour se défendre. Pour ma part, autant que je le pourrai, je me battrai pour que soient préservés les intérêts du Mali, de la BHM mais aussi des investisseurs étrangers.


La constructibilité des berges du fleuve Niger et de certains autres espaces urbains.

Cela fend le cœur de constater que des constructions immobilières se font non seulement le long du fleuve mais s’étendent jusque dans son lit multipliant les sources de pollution graves de ce cours d’eau si vital mais fragile pour les populations maliennes. Les berges du fleuve Niger doivent être libérées et rendus au seul usage du public en tant que bien public. Il faudra sans doute par des méthodes scientifiques identifier les immeubles posant des problèmes environnementaux au fleuve avant de fixer par la loi une règle de compensation des propriétaires qui seront expropriés pour le bien public. Les immeubles incriminés devront, tous, être détruits.


Des motifs de satisfaction

Il m’est arrivé de me féliciter de certains faits. Par exemple j’ai constaté que la route de Kayes était une remarquable réalisation, fragile mais réelle qui peut devenir un instrument de développement en désenclavant des régions économiquement très actives. J’ai vu également que Bamako disposait maintenant a ACI-2000 de nombreux immeubles de bureaux pouvant offrir des opportunités de domiciliation a des entreprises. On peut seulement regretter que les ministères installés à l’ACI-2000 soient si misérablement et si étroitement logés.

J’ai aussi la notion que la Cité Administrative, en perpétuel devenir au bord du fleuve, lorsqu’elle sera achevée pourrait accentuer le déséquilibre de la ville au profit de la rive gauche qui est déjà si congestionnée. Je voudrais ici proposer que l’on fasse de cette cité un campus universitaire à étendre en y incluant l’actuel Camp Para de Jikoroni en préservant et incluant le mitoyen et verdoyant centre arboricole. La délocalisation du Camp Para en dehors de la ville sera l’occasion de créer des emplois pour les travaux à entreprendre. L’université de Bamako manque de classes. Voilà, à la Cité Administrative, des salles pouvant tenir lieu de classes. Elles sont presque disponibles immédiatement. Les fonctionnaires ont besoin de luxueuses salles pour s’installer. Une classe, pour fonctionner a juste besoin d’un tableau noir, de bâtons de craie, d’élèves et d’enseignants. De ce fait les locaux dans leur état actuel peuvent ne pas convenir aux fonctionnaires mais feraient parfaitement l’affaire des étudiants et de leurs enseignants. Le gouvernement pourra planifier sur 10 ans la construction d’une nouvelle vraie cité administrative mais sur la rive droite afin de désengorger la rive gauche et tenir compte du poids démographique de la rive droite. Les fonctionnaires sont déjà tous logés, ils peuvent attendre. Les étudiants et les enseignants sont en errance, ils ne peuvent attendre plus longtemps.


Dans le chapitre des succès il faut citer la façon dont la crise du code de la famille a été désamorcée. Mais le problème n’est pas résolu. A mon sens il ne devrait pas l’être avant la prochaine élection présidentielle. En républicain et en démocrate, mon opinion est que ce sont les thèmes débattus durant la campagne présidentielle qui sont couverts par le mandat donné par le peuple au président élu pour porter des modifications aux règles de fonctionnement de l’Etat et de la société. A ma connaissance aucun des présidents de 1992 a ce jour ne semble avoir mentionné, durant les campagnes électorales les ayant portés au pouvoir, leurs intentions de changer le code de la famille. Par conséquent aucun d’entre eux n’a jamais reçu un mandat de le réviser. Le débat tel qu’il s’était engagé portait sur la rédaction des articles de la loi. Un tel débat est technique et ne peut être l’affaire du public. A mon avis il y a quatre vrais sujets du débat d’ordre social et politique qui sont : (a) quel statut accorder a l’enfant né hors du mariage ?, (b) quelle est l’importance d’une femme lors du partage d’un héritage ?, (c) comment définir l’autorité au sen de la famille et qui la détient ?, (d) quel est l’âge minimal pour marier une fille ? Et ces questions doivent être débattues avant l’élection de tout président pouvant se considérer comme investi du mandat de toucher au code de la famille. Certains journaux ont blâmé celui-ci ou celui-là et souvent la jeune Ministre des Relations avec les Institutions en lui imputant un défaut de communication gouvernemental sur le sujet. Si quelqu’un doit être blâmé ce sont les partenaires techniques et financiers (PTF) qui ont manqué  d’à-propos en essayant de faire adopter au pas de course ces modifications qui visent une véritable modification de la société malienne et qui en ce sens doivent passer par le débat démocratique au moment des élections présidentielles. Dans les pays développés démocratiques les choses se passent ainsi. Le Président Obama se bat pour une modification de l’assurance maladie aux Etats-Unis du fait qu’il l’avait promis durant sa campagne et donc son élection lui a donné le mandat de le faire. Obama va améliorer la situation sociale, administrative et juridique des homosexuels. Parce qu’il l’avait promis durant la campagne électorale. Le Président Sarkozy est entrain de procéder a une reforme en profondeur de l’Etat en France conformément aux propositions qu’il a faites et qui ont été débattues durant la campagne électorale présidentielle.


En revanche, la « crise du code » a fait monter en grade un problème sous-jacent dont j’ai parlé dans un texte en 1994 déjà. Ce problème me semble partagé aujourd’hui par beaucoup d’autres intellectuels et acteurs politiques. Il s’agit du nombre de plus en plus élevé d’intellectuels maliens arabisants de très haut niveau et qui, du fait que leurs diplômes ne sont pas en français, sont marginalisés et laissés dans la paupérisation et le désœuvrement. Ces « cerveaux » sont disponibles. Pour faire mieux que survivre, certains parmi eux seront contraints de construire une force politique sur la vague religieuse qui est une réalité dans toute l’Afrique aujourd’hui. Là il y a un risque pour l’Etat laïque et la République. Nous devons tendre la main à nos sœurs et frères arabisants et les intégrer a la communauté économique et a la communaute intellectuelle de notre pays. Ils y ont droit.


Préparer l’avenir ensemble

Dans le monde que nous connaissons la force d’une nation n’est pas le nombre de canons dans ses casernes, mais le nombre d’ordinateurs dans ses universités. La richesse d’une nation n’est pas la réserve minière en or ou en pétrole dont son sous-sol regorge mais le nombre d’ingénieurs bien formés pour résoudre les problèmes des populations. Ceux des maliens qui ont le savoir et le savoir-faire sont utiles. Ils sont les vraies richesses de la Nation. Mais actuellement tant de barrages ont été créés par des fonctionnaires corrompus demandant des bakchichs pour avoir accès à des marchés publics ou des parents demandant aux jeunes de travailler « bénévolement ». Le bénévolat ne correspond à aucun modèle économique opérationnel et gagnant. Et pourquoi demander a des maliens, surtout les « maliens de l’extérieur » de travailler gratuitement alors que nous concevons de payer grassement des « experts étrangers » et même que nous regardons sans rien dire des maliens non productifs s’enrichir. Je le dis très clairement, ceux qui décident de consacrer une partie de leur temps a notre pays en y apportant des financements, du savoir, du savoir-faire, des opportunités aidant ainsi a améliorer le système éducatif, le système économique en élargissant l’horizon des possibles, méritent réussite considération et salaire. Ainsi sera-t-il si nous voulons que notre pays réussisse en mobilisant tous les maliens en suivant les règles de l’efficacité et de l’excellence.

Nous devons former les jeunes maliens. Nous devons attirer les maliens talentueux vivants partout dans le monde. Mais le seul slogan du patriotisme ne suffira pas à les faire venir. En venant il faut qu’ils puissent trouver de quoi vivre. En cela je rêve à l’émergence, d’ici 10 ans de plusieurs milliardaires maliens. De vrais milliardaires qui « feront » leur argent dans le labeur en utilisant leur expertise. Nous devons nous rendre a l’évidence que la race d’individus et d’entreprises qui prospèrent a l’ombre des régimes politiques successifs et qui souvent disparaissent avec ces régimes sans produire la moindre richesse ne peuvent construire le Mali gagnant de demain. Attention. Je reconnais à chaque gouvernement le droit, même le devoir, en fonction de sa vision économique, de favoriser des entrepreneurs. Mais ceci devrait se faire dans le seul but de créer du bien social et économique. Oui, un gouvernement a la capacité et même le devoir d’user du pouvoir discrétionnaire qu’il détient pour favoriser les meilleurs entrepreneurs patriotes.


Le Mali tel qu’il m’est apparu s’insérer dans le monde

Ces derniers mois tous les pays, populations et gouvernements confondus, s’inquiètent de la Grippe aviaire. Au Mali sauf erreur de ma part, je n’en ai jamais entendu parlé. Bon. Il est vrai que le Mali est le pays où de nombreuses personnes ont abandonné leurs responsabilités pour les mettre sur le dos de Dieu. C’est si facile. En revanche et sans pour autant que l’on en parle deux graves dangers pour la santé publique m’ont sauté aux yeux. Il s’agit de l’excès de sucre dans les boissons. Que ce soit les boissons industrielles ou les boissons fabriquées traditionnellement (jus de gingembre et assimilés). Il faut s’attendre à une explosion du diabète dans la population malienne et sa persistance dans la mesure où cette maladie passe vite dans les gènes et se transmet aux descendants des personnes affectées. En second lieu il s’agit de ces voitures alimentées en huile impropre lâchant des fumées toxiques dans les rues de Bamako et du Mali. Elles vont accroitre la prévalence des maladies respiratoires chroniques dans notre pays. Les embouteillages de Bamako aggravent le problème. Au fait je voudrais attirer l’attention des responsables de la circulation routière sur la nécessité de multiplier les feux tricolores. Non seulement cela rendrait la vie facile aux piétons, cela obligerait les gens à réduire la vitesse mais cela créera de multiples petits bouchons gérables en lieux et places des 2 ou 3 gros bouchons ingérables actuels.


Lorsque j’étais à Bamako les prix Nobel ont été attribués.

Deux prix ont retenu mon attention et devraient intéresser les maliens a plus d’un titre. Le premier est le prix Nobel d’Economie. Les auteurs primés (Elinor Ostrom et Oliver E. Williamson) ont prouvé que les ressources publiques ne sont pas des biens publics. Par définition un bien public est un bien que l’on peut se partager sans pour autant que la part d’un agent quelconque affecte ni la qualité ni la quantité de la part disponible pour les autres. Cette simple phrase explique à elle seule que l’usage que les africains font des ressources publiques minérales ou financières ne peuvent qu’aggraver la misère de leurs peuples car ils partagent ces ressources entre une infime partie de la population (ceux qui sont au pouvoir) au lieu de l’utiliser pour créer de la richesse qui elle est un bien public accessible a chacun et a tous. J’espère qu’au Mali, nos économistes réfléchiront sur les travaux de ces chercheurs et en déduirons des stratégies pour la bonne gouvernance de notre pays.


Il y a eu aussi le prix Nobel de Physiologie et de Médecine. Les lauréats (Elizabeth Blackburn, Carol W. Greider, Jack D. Szostack) ont été couronnés pour leurs travaux sur le télomère. On à découvert que cette substance appelée télomère, située au bout du chromosome, est ce qui, en réponse au stress décide du vieillissement et de la mort d’une personne. Et une autre dame Dr Doris Taylor, chercheur à l’Université du Minnesota, une université où un de nos frères le Professeur Harouna Maiga enseigne la biologie animale, a montré qu’avec les cellules souches (stem cells) on peut régénérer les télomères et vaincre le vieillissement et surtout vaincre la mort !!! En effet le Dr Taylor a réussi à réveiller et redonner vie à des cœurs d’animaux morts. Cela vient juste d’arriver.


Qui ne savait pas que la mort était invincible ? C’est une nouvelle ère que la science et la technologie sont entrain d’ouvrir dans l’Histoire de l’Humanité. Mais a quel point le malien fait partie de cette humanité ?

Remarquons que ce sont essentiellement des femmes (elles qui donnent la vie) qui sont entrain de vaincre la mort en utilisant les ressources de la technologie. Dans le même temps, des maladies nouvelles qui ne frappent que les femmes noires et les enfants noirs émergent. Ce sont des types nouveaux de cancer. Il y a en particulier ce cancer du sein qui ne vise que des femmes noires ou ayant un ancêtre noir. Le cancer est le plus souvent une maladie de la vieillesse où des cellules avec la bonne intention de se multiplier afin de prolonger la vie, « commettent une erreur »  et deviennent anormales. Elles propagent cette « erreur » qui devient le cancer et finissent ainsi par donner la mort. Le problème est que ces cancers nouveaux qui visent celles qui donnent la vie chez nous apparait même chez des femmes très jeunes y compris a des âges aussi tôt que 20 ans. Voila qu’au moment ou l’Humanité technologique triomphe de la mort, une menace terrible menace les communautés noires dans ce qui est leur lien a la vie : la femme noire. Nous scientifiques africains sommes-nous capables de relever ce vital défi? J’ai vu la promptitude et l’efficacité avec lesquelles certains de nos sœurs et nos frères ont répondu au discours de Sarkozy. Saurons nous entendre et répondre a l’appel de nos sœurs et de nos enfants ?

Voila telle que j’ai vu le Mali par lui même et tel que j’ai vu le Mali dans le monde. Telles sont aussi les réflexions que ces visions ont fait naitre en moi et les interrogations qui me sont venues avec. Et pour clore je vais me répéter et cela autant de fois que cela sera possible. Il s’agit d’appeler tous les patriotes, les démocrates, les républicains à s’unir pour que le Mali et les maliens de demain soient fiers de nous.


Dialla Konaté

1 octobre 2009




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