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Peuples colonisés osez la liberté

9 Avril 2023 , Rédigé par Pellet Jean-Marc Publié dans #AZAWAD, #Amazigh, #Catalogne, #Ecosse, #Internationalisme, #Touareg

                                          À propos de frontières
En solidarité avec l'ensemble des peuples qui luttent pour vivre en toute liberté.

Article à retrouver dans la revue lo Lugarn N°145.

Revue accessible gratuitement, téléchargeable au format pdf ICI

 

    On peut l'accepter ou non, on peut s'en réjouir ou le déplorer, mais l'État est pour les sociétés humaines actuelles, un horizon indépassable.

Pour longtemps, il est une nécessité, ce qui ne peut pas ne pas être. Et cela, quels que soient sa forme (État souverain ou autonome), son contenu (démocratie ou régime despotique), son agencement interne (centralisé ou fédéral), ses liens et ses partenariats (politiques, économiques, culturels, militaires) avec les autres États, proches ou lointains.

Des États assez éloignés des réalités ethniques

Presque 200 États (195, pour être précis), très hétérogènes, se partagent actuellement la surface du globe, des terres, des mers ainsi que l'espace aérien. Leur existence et leur permanence sont juridiquement garanties par la reconnaissance dont chaque État jouit de la part des autres. Cela se manifeste notamment par l'échange d'ambassadeurs et l'acceptation que le pouvoir et la juridiction de l'un s'arrête où commencent ceux des autres, soit, en deçà ou au delà des frontières communes.

 À part deux exceptions notables, le Saint-Siège et Taïwan, tous les États existants sont membres de l'Organisation des Nations Unies (ONU). Le Saint-Siège et l'Autorité palestinienne y jouissent du statut d'observateurs permanents. Taïwan, autrement dit, la République de Chine, en a été exclu, en 1970, remplacé par la République populaire, seule représentante reconnue de la Chine. Tout l'enjeu d'une indépendance taïwanaise et donc, de sa réadmission à l'ONU, tient dans ce fait : ne plus être considéré comme une province chinoise mais comme un pays séparé. Ce dont Pékin et les Taïwanais favorables au Guomindang, le parti de l'ancien président Tchang Kaï-chek, ne veulent à aucun prix.

Quand l'on défend la cause des nations ethniques, force est de constater que ces 195 États indépendants correspondent trop peu, un quart d'entre eux, tout juste, aux réalités humaines fondamentales que sont les ethnies. Andorre, principauté démocratique de langue catalane, ne saurait représenter valablement l'ensemble des Pays catalans. Pas plus que Bahreïn ne saurait parler au nom de l'ethnie arabe ou le Bhoutan, au nom de l'ethnie tibétaine. On connaît l'abondance de peuples et de fractions de peuples inclus au petit bonheur des découpages coloniaux dans les États nés de la grande vague de décolonisation de l'Afrique, autour de 1960. Cette réalité empêche de considérer ces pays comme les expressions d'authentiques sentiments nationaux solidement établis sur une base ethnique.

 Si l'on prend en considération les États autonomes, quelle que soit leur appellation locale, le point de vue change. Souvent, ils ont été créés pour satisfaire des revendications ethno-nationales, de la Catalogne espagnole à la Mongolie intérieure chinoise, de l'Oromie éthiopienne à l'État karen, en Birmanie. Bien sûr, je ne sous-estime pas le fait que l'indépendance ou l'autonomie d'un État puissent n'être que nominales et n'avoir aucun contenu réel.

L'autodétermination des peuples, créatrice de nouveaux États

La légalité internationale dérive du Droit international, lequel existe à partir du moment où un  nombre conséquent d'États le constituent en signant des conventions communes. Ainsi le droit des peuples à l'autodisposition (ou autodétermination) procède de l'article 1er de la Charte fondatrice de l'Organisation des Nations Unies (1945) qui stipule que les peuples sont égaux et qu'ils ont le droit de disposer d'eux-mêmes.

 En 1960, la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux approfondira ces principes et servira de fondement juridique et politique à tous les mouvements d'émancipation. Depuis 1945, plus de 100 pays sont nés sur cette base. Et d'autres, tels la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et le Sahara occidental (ex-colonie espagnole, annexée par le Maroc en 1975) pourraient voir le jour puisqu'ils font partie des 17 territoires "non-autonomes à décoloniser" d'après l'ONU et son Comité spécial de la décolonisation.

Par la suite, d'autres textes viendront préciser que ce droit s'étend à tous les peuples "colonisés ou non". Par "colonisés", il faut entendre ici, soumis à une métropole (européenne ou autre) lointaine.

Pour suivre l'actualité des mouvements de libération nationale à travers le monde, l'on sait très bien que les droits sont une chose mais que la réalité est très souvent bien éloignée de l'application des droits. Fussent-ils garantis internationalement ! La force prime le droit, dit-on.

Qui s'oppose à cette application universelle des droits imprescriptibles des peuples quand et où se manifeste vivement le souhait d'une émancipation totale ? Force est de constater que plus un État asservit et moins il est disposé à l'émancipation des peuples. Ou alors, seulement si, dans des perspectives égoïstes, cela affaiblit un concurrent pour la domination mondiale ou régionale. Ce fut l'attitude constante des États-Unis et de l'Union soviétique, au temps de la Guerre froide (1945-1990).

Plus un État est puissant et moins il a intérêt à ce qu'apparaissent des "électrons libres" s'asseyant à la table des "nations" et susceptibles de brouiller les cartes dans le jeu perpétuel des rivalités impérialistes. On sait bien, au sein des organismes internationaux, que plus grand est le nombre de représentations diplomatiques et plus grande sera la difficulté à réaliser des compromis et des arbitrages solides. La realpolitik est tellement bien partagée qu'elle freine indiscutablement la libération des peuples. Seuls les petits États démocratiques (de Scandinavie, par exemple) font vraiment avancer cette cause.

Les chemins sont difficiles mais les peuples finissent par s'imposer. Voyez le Kurdistan d'Irak, bien que perpétuellement menacé, mais, indépendant de fait. Voyez l’Éthiopie ou le Népal dont les Constitutions reconnaissent leurs différentes ethnies et leur assurent les moyens d'un développement autocentré. Voyez l'évolution des institutions et des États à l'égard des "Peuples premiers" des Amériques et de l'Océanie. Même sous la houlette de l'extrémiste brahmaniste N. Modi, l'Inde fait droit à ses peuples : l'"État des forêts" des Orawn et Kherwari, le Jharkand, a été créé en 2000.

Nouveaux États, nouvelles frontières

L'apparition d'un État par sécession d'un autre entraîne la création ou la modification de frontières existantes. Plus rare, la disparition d'un État par fusion avec un voisin, efface des démarcations : en 1990, ce fut le cas pour les Allemagne et les Yémen ; dans un avenir proche, elles pourraient également disparaître entre l'Albanie et le Kossovo, entre les Corée.

Apparemment en contradiction avec les textes sur le droit à l'autodisposition des peuples, le respect de l'intégrité territoriale des États est une règle absolue des relations internationales. Elle s'impose d'autant plus lorsque la souveraineté d'un pays est violée par la force militaire.

Contrairement à des préjugés tenaces, c'est l'ensemble de la communauté internationale qui refuse que cette vision rigoureuse change. Ce n'est pas seulement la Charte de l'ONU qui fait référence en la matière. D'autres forums diplomatiques ont réitéré cette affirmation de principe.

 En 1964, à la Conférence de Nairobi, au Kenya, la toute jeune Organisation de l'Unité africaine (OUA) statue sur les frontières de l'Afrique nouvelle. Elle décrète que, pour malheureux et même franchement mauvais que soient les tracés des frontières (dessinés pour l'essentiel, à la Conférence de Berlin, en 1885), il convient de les adopter comme valides et juridiquement contraignants.

En 1975, à Helsinki, sont signés des accords entre les blocs politico-militaires de l'Est (Moscou et ses alliés) et de l'Ouest (Washington et les siens), portant sur la détente internationale en Europe. Ces accords de coopération réaffirment que le statu quo territorial issu de la Seconde Guerre mondiale et les frontières sont "intangibles". On sait bien que le cours de l'Histoire s'est chargé de bouleverser ce bel ordonnancement. Pour de multiples raisons, certes, mais entre autres, parce que les Droits de l'Homme ont été mis en avant et que les parties se sont engagées à les promouvoir.

Il est parfaitement concevable qu'un accord, même lorsqu'il procède d'une longue lutte politique et souvent, militaire, entre un État et les représentants d'un pays à naître, aboutisse à la définition de nouvelles lignes de partage. L'établissement de ces frontières est parfois laborieux mais il est nécessaire pour que s'instaure un climat de paix entre voisins. Leur validation par la communauté internationale y concourra évidemment. Peut-être un million de morts et des centaines de milliers de déplacés, entre 1956 et 2007, auront été le terrible tribut payé par les populations du Soudan du Sud pour se séparer du Soudan à domination arabe et musulmane.

Parce qu'ils se sentent concernés au premier chef et potentiellement menacés dans leur assise territoriale, beaucoup d'États renâclent devant le surgissement de nouvelles limites remettant en cause les prérogatives des juridictions plus anciennes. Mais ils finissent majoritairement par les admettre.

Ils n'admettent par contre pas ce qui est acquis par la force des armes. Quels pays reconnaissent la République turque de Chypre du Nord, née de l'envoi d'un corps expéditionnaire par Ankara, en 1974 ? Seulement la Turquie et l'Azerbaïdjan !

 Qui reconnaît l'annexion de la Crimée, en 2014, et la création des prétendues Républiques de Donetsk et de Louhansk, en 2022, par la Russie impériale ? La Syrie de Bachar al-Assad, peut-être bien, mais, elle seule.

C'est sur cette base juridique de l'intégrité territoriale  que s'est déroulée la première Guerre du Golfe (1991), l'Irak ayant envahi et annexé le Koweït. De même, l'incorporation par la contrainte, entre 1975 et 1979, du Sahara occidental (ex-Rio de Oro espagnol) par la monarchie chérifienne entraina une crise diplomatique entre le Maroc et l'OUA. Celle-ci reconnaît la seule République sahraouie démocratique, en attendant les résultats d'un hypothétique référendum organisé sous l'égide de l'ONU.

En 1975, l'annexion, par l'Indonésie, des peuples du Timor oriental (ex-colonie portugaise) n'a jamais été entérinée par les instances internationales. Après une colonisation brutale et une lutte sanglante de vingt-sept ans, Timor-Leste est devenu indépendant en 2002.

Pour conclure de façon positive

De ces quelques exemples, et malgré les tragédies qui les sous-tendent, il faut tirer la conclusion optimiste qu'il n'y a pas de fait accompli durable. La force des impérialismes, pour redoutable qu'elle soit, est toujours relative. Et jamais éternelle !

Si, comme il faut s'y attendre et s'en féliciter, un référendum donne prochainement, le droit à l'Écosse, de voler de ses propres ailes, alors les organisations internationales, l'ONU et l'Union européenne, ne pourront que valider cette évolution.

Il en aurait été de même pour la Catalogne, en 2017, si, d'une part, Madrid avait accepté le référendum d'autodétermination et si, d'autre part, les nationalistes catalans avaient été suffisamment forts pour l'imposer, politiquement et diplomatiquement. Ce ne fut, hélas, pas le cas et je le déplore. Pour autant, l'avenir reste ouvert. Ce rendez-vous manqué avec l'Histoire a toutefois permis de faire connaître, au plan mondial, la Catalogne et ses aspirations à la liberté.

L'avenir appartient aux ethnies, les véritables nations.

 Jean-Louis Veyrac

Occitanie, Catalogne, Ecosse, Azawad, Kurdistan, Bretagne, Basques .....

Occitanie, Catalogne, Ecosse, Azawad, Kurdistan, Bretagne, Basques .....

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